Des pirates informatiques profitent de l'euro pour gagner
de l'argent sur le dos des banques. Contactées, ces banques
prennent l'information en rigolant !
Marc Rees, Motenai, O.A. et anonymes sur l'internet
Selon le taux officiel, 1 €, c'est 6,55957 F. Pour obtenir un montant en euros, il faut simplement diviser par ce taux. Evidemment, l'opération ne tombe jamais juste. Il faut donc faire jouer la règle de l'arrondi : si le troisième chiffre après la virgule est égal ou supérieur à 5, on arrondit à l'eurocent supérieur (1,126 € c'est 1,13 €). Si le troisième chiffre après la virgule est inférieur à 5, on arrondit à l'eurocent inférieur (1,124 €, c'est 1,12 €). Simple ! Au grès des opérations, cette conversion se fait soit à l'avantage du client, soit à celui du commerçant. De telles erreurs surgissent aussi lorsqu'on effectue un virement entre deux comptes bancaires, l'un géré en francs, l'autre en euros (une seule devise est utilisée effectivement, même si les deux figurent sur votre relevé). Par exemple, en passant d'un compte sur l'autre, 125 F se transformeront en 19,06 €, soit... 125,03 F si vous demandez un affichage en francs. Gain : 0,03 F. On parvient au même résultat avec un virement de 0,04 F seulement. En effet, ce montant se transformera en 0,01 €, soit 0,07 F ! Belle rentabilité, non ?
Des outils souvent offerts
Des petits malins ont rapidement imaginé de
répéter l'opération aussi rapidement que possible.
Ils utilisent deux comptes dans la même banque (courant,
épargne, titres...) pour éviter des frais et les dates de
valeurs. Grâce à l'internet, il suffit désormais de
quelques clics de souris et touches de clavier pour effectuer un
virement. Il est possible de reproduire l'opération à la
main, mais cela s'avère fastidieux et long. Des outils
spécialisés, souvent fournis d'office avec l'ordinateur,
permettent d'enregistrer ces actions pour les reproduire ensuite de
façon automatique et répétitive. On parle de
"macro-commande" ou de "script". Au bout d'un certain nombre de
virements, il suffit de retirer le pécule d'euros, puis de
l'injecter dans le compte franc initial... et de recommencer !
Selon nos tests, un virement dure en moyenne 10 secondes (il est
possible d'optimiser le processus). Cela représente tout de
même 8 640 transferts toutes les 24 heures (si tout se
déroule correctement). Gain journalier ? 216 F environ pour une
mise initiale de 345 F ! Et, sur certains sites, il est même
possible d'effectuer plusieurs virements en même temps depuis
plusieurs ordinateurs !
Pour contrer ce système, les banques ont plusieurs solutions :
imposer un montant minimum dissuasif lors des transferts, limiter le
nombre de virements gratuits ou rallonger le temps de réaction
de l'ordinateur, par exemple. Mais tout cela se fera au
détriment de l'utilisateur normal.
De toutes façons, les banques expliquent que l'astuce ne
fonctionnera plus au-delà du 31 décembre : tous les
comptes seront alors convertis définitivement en euros.
Qu'en pensent-ils ?
Nous avons joint la Banque de France pour connaître son point de
vue sur ce petit montage. Elle nous a affirmé, un peu
gêné : "euh... (rires) il n'y avait aucune interdiction
spécifique à le mettre en place !". La
Société Générale, elle, nous a pris pour
des illuminés : "Comment !?", mais a confirmé ce point de
vue ! Du côté des banques en ligne, les clauses juridiques
ne font pas mention de cette petite faille. On lit simplement chez
ZeBank que "la banque peut s'informer auprès du Client en cas
d'opérations paraissant inhabituelles. Cette information porte
sur l'origine et la destination des sommes [...] et l'identité
de la personne qui en bénéficie". Mais aucune importance
puisque les deux comptes appartiennent à la même personne
! Quant aux services fiscaux : "C'est la première fois que
j'entends une chose pareille !". L'inspectrice conseille cependant de
déclarer les gains au titre des bénéfices non
commerciaux...
Même si personne n'y a pensé, un juge pourrait
considérer qu'il y a abus de droit, mais rien n'est sûr :
d'abord parce qu'il n'y a pas de jurisprudence en la matière et,
surtout, parce que le Code monétaire (art. L113-6) interdit les
contestations relatives aux écarts de conversion !
On n'ose en tous cas imaginer les frais d'expédition des
relevés de compte. Vu le nombre d'opérations, on en
arrive à plus de 8.000 feuillets par mois. Mais quelle
importance puisque c'est la banque qui paye ?