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Paru dans Pirates Magazine n°HS2
2019-07-18 00:00
CR

Promis : cette histoire d’espionnage est véridique !


En 2013, le monde découvrait, ébahi, l’espionnage massif de la planète par les États-Unis grâce aux documents internes dérobés par Edward Snowden, un ancien consultant des services de sécurité de ce pays. Nos lecteurs se souviennent aussi, sans doute, de notre dossier sur Echelon dans Pirates Mag’ 7, un vaste système d’écoute plus ancien (dans les années 1990) du trafic Internet. Mais aviez-vous entendu parler de Promis ? Nous avons pu échanger avec William A. Hamilton (Bill Hamilton), un ancien employé de la NSA, au sujet d’une histoire encore plus ancienne (et rocambolesque).

William Hamilton a 78 ans. Il se dit « semi-retraité » de la société Inslaw, toujours en activité pour supporter les clients (déjà existants uniquement) de son logiciel Promis. L’histoire qu’il raconte est à peine croyable, mais nous l’avons recoupée avec des articles d’époque et des documents judiciaires. La lecture de L’oeil de Washington de Fabrizio Calvi et Thierry Pfister (éditions Albin Michel, 1997) nous a été particulièrement utile. Pour simplifier une histoire compliquée, et par manque de place, nous avons supprimé les aspects (trop ?) conspirationnistes soulevés par certains acteurs (nous vous renvoyons à l’ouvrage plus complet de nos confrères si vous voulez plus de détails) et les liens avec d’autres affaires connexes qui ont souvent défrayé la chronique. À l’inverse, nous essayerons de rectifier, ici, des descriptions techniques bancales (cela n’a pas toujours été possible à cause du secret national et des retranscriptions de l’époque par des non-spécialistes). Précisons que le malheureux « héros » de cette histoire a été grandement aidé par sa femme et sa fille, même si nous ne l’avons pas précisé à chaque fois dans le texte.

Un logiciel de base de données

Dans les années 1960, fraichement diplômé de l’Université de Notre Dame, William Hamilton rejoint le quartier général de la NSA où il passera sept ans, puis démissionnera, fatigué, dit-il, du monde du « top secret ». Mais s’y retrouvera plongé plus tard, à son insu. En 1973, il fonde l’Institut for Law and Social Research (institut pour la recherche légale et sociale), une organisation à but non lucratif. Avec des prêts et des contrats pour la Law Enforcement Assistance Administration (ou LEAA, une agence qui dépend du Ministère de la Justice et qui gère les fonds destinés aux services de police), William Hamilton y développe Promis, pour Prosecutors' Management Information System (ou système de gestion d’informations pour procureurs), un logiciel permettant de stocker et d’analyser les données sur les affaires judiciaires, notamment en croisant les informations de plusieurs fichiers disparates, sans reprogrammation, pour en tirer de nouvelles conclusions, que ce soit sur les mis en cause, les avocats, les juges ou les policiers. Polyvalent, il peut facilement être reconfiguré dans un autre but. Ce logiciel est en concurrence avec Dalite du magistrat Lowell Jensen, financé, lui aussi, grâce à la LEAA, mais considéré moins bon après des tests de l’administration.

Dans le cadre du programme Aigle, le Ministère de la Justice fait miroiter des commandes pour un total de trois milliards de dollars. Chaque chose en son temps, d’abord il faut, pour 9,6 millions de dollars, équiper près d’une centaine de parquets, avec une vingtaine de versions pour mini-ordinateurs, puis le reste du parc en version allégée pour des machines présentées comme des « traitements de texte » (des terminaux, selon nous). En 1980, le Congrès décide de fermer la LEAA. Le bureau des statistiques, qui hérite des contrats de la LEAA, refuse de payer les sommes dues à l’institut pour l’année en cours. Hamilton décide de passer en société commerciale, Inslaw, dont il sera p.-d.g., avec l’objectif de développer des versions étendues et de trouver d’autres clients. Les propriétés de l’institut y sont transférées pour un montant de 471 000 dollars, le couple Hamilton doit hypothéquer sa maison.

Adapté sur plusieurs générations d’ordinateurs

Le développement de Promis a commencé à la fin des années 1960. En 1971, une version écrite en PL/1 tournait sur de gros ordinateurs IBM. En 1973, un portage est décidé vers Cobol pour pouvoir faire tourner le logiciel sur d’autres types de machines comme les Burroughs B-1900. Plus tard, une version 16 bits a été conçue pour des mini-ordinateurs PDP-11 de Digital Equipment Corp (DEC), puis une autre en 32 bits pour Vax 11/780 du même constructeur. Les mini-ordinateurs Prime et Wang VS ont également droit à leurs versions. Dans les années 1980, Promis représentait environ 500 000 lignes de code (à la fin des années 1990, le logiciel est passé à deux millions de lignes, suite à l’adoption d’une interface graphique en mode client/serveur).

Les premiers utilisateurs ont été les représentants du gouvernement fédéral dans le District de Columbia. Inslaw et le Ministère de la Justice s’accordent pour dire que la version d’origine, jusqu’à la version 16 bits, financée avec l’argent public, est tombée dans le « domaine public ». Le Ministère doit payer 500 000 dollars pour des modifications, mais seuls 350 000 dollars sont débloqués par le bureau des statistiques. Pour ne pas se mettre son client à dos et perdre son potentiel contrat à trois milliards de dollars, Inslaw développe quand même la mise à jour commandée.

William Hamilton réunit des prospects au Shoreham Hotel. Parmi les invités, il y a Edwin Meese, ancien procureur d’Alameda pressenti comme conseiller à la Maison-Blanche du président Reagan. Ce que le dirigeant d’Inslaw ignore, c’est que Meese et Jensen, le père du logiciel concurrent, se connaissent bien, le premier avait travaillé pour le second. D’ailleurs, Jensen débarque, comme Meese, à la Maison-Blanche en 1981. Et c’est même lui qui sera en charge de l’installation de Promis dans les parquets du pays. Pour le seconder, un fonctionnaire du Ministère est nommé par Lawrence McWhorter, le directeur du bureau exécutif du Ministère : C. Madison « Brick » Brewer. Ce dernier, qui s’est porté volontaire pour le nouveau poste, connaît très bien Promis : il a été conseiller de l’institut de William Hamilton entre 1974 et 1976, il était en charge des remonter les demandes des procureurs vers les programmeurs. Mais Hamilton n’était pas satisfait de ses performances et avait rompu leur contrat… Brick était alors redevenu substitut du procureur du District de Columbia. S’il déteste son ancien employeur, il fait profil bas pour obtenir son poste de responsable sur le projet Aigle, sachant l’heure de sa revanche proche. Il nomme à son tour Jack Rugh pour le seconder et Peter Videnieks, un ancien des douanes, pour s’occuper spécifiquement du contrat.

Un complot se trame déjà

En 1982, une version de Promis est adaptée à des ordinateurs IBM pour le compte du département terre et ressources naturelles du Ministère de la Justice, qui jusqu’ici se servait du logiciel à distance sur un serveur B-1900 d’Inslaw. La société envisage, d’ailleurs, de laisser entrer IBM dans son capital.

Dès avril, un complot se trame contre Inslaw. Des documents saisis plus tard par la justice font état d’une réunion de l’équipe de Brewer lors de laquelle est décidé de casser un maximum de contrats. Ainsi une opération vise à priver Inslaw d’une seconde phase d’un contrat avec le District de Columbia et ses 600 000 dollars pour pousser la société à la faillite, car elle serait alors incapable d’assumer ses engagements faute de moyens. Quelques jours plus tard, Brewer déclare qu’il estime que le Ministère de la Justice peut commercialiser Promis à qui il souhaite et remet en doute les droits d’Inslaw sur les versions améliorées. Mais Stanley Morris, un haut fonctionnaire, reconnaît les droits d’Inslaw, ce qui débloque la situation avec IBM. Pour remettre de la pression, Videnieks annonce à Inslaw que l’administration va cesser les paiements anticipés. À la fin de 1982, Brewer évoque une possible faillite d’Inslaw dans un rapport au nouveau directeur du bureau exécutif du Ministère, avec à la clé la possible reprise de Promis par cette administration qui exige désormais tous les documents de la part d’Inslaw, y compris les nouveaux, « au cas où ». Même si la situation financière de la société, désormais appuyée par IBM, est en réalité saine, l’objectif semble être de mettre la main sur la version 32 bits de Promis pour Vax/VMS, qui ne figurait pas dans le contrat, mais qui était utilisée par le Ministère. Car, en 1982, en attendant que cette administration reçoive ses mini-ordinateurs Prime à équiper de Promis, Inslaw avait décidé de fournir les services du logiciel à distance sur un de ses trois Vax dans la banlieue de Washington.

Les problèmes ne sont en réalité par terminées. En 1983, l’administration états-unienne cesse les paiements anticipés, reprochant cette fois à Inslaw d’avoir contracté un prêt bancaire en violation de leur contrat, d’où un prétendu risque financier. Brewer et Videnieks exigent la propriété de l’ensemble des versions du logiciel, dont celle en 32 bits, en contrepartie de la reprise des paiements. Hamilton propose que si sa société fait faillite, le Ministère hérite des logiciels, déposés chez un tiers en attendant. Les fonctionnaires refusent, mais s’engagent, en échange des copies du logiciel, à ne pas diffuser Promis au-delà du parc prévu à l’origine. Hamilton cède, sans se douter de la suite.

...

Vous trouverez la suite de ce très long dossier Promis : cette histoire d’espionnage est véridique ! dans Pirates Mag' HS2 !




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