Comment nous avons perdu 230 euros chez CJ Affiliate (Conversant)

vers Virus Info


[accueil]  [menu]  [suivez-nous !]  [chercher]


Paru dans Le Virus Informatique n°2
1997-05-01 00:00

Achetez Micro! Ou l’étrange histoire du magazine qui appartenait aux vendeurs de PC



La SARL Achetez est créée en décembre 1994. Son capital est détenu pour 26 % par Frantz Petrich, 23 % par Thien Gilbert, 20 % par Laurent Asscher, 11 % par le fabriquant de PC Aldix et enfin 20 % par la femme de Oukéo Thao Kham, dit Tanguy. Ajoutons que Laurent Asscher est le fils de Jean Claude, PDG du grossiste Tekelec Airtronic. Que Tekelec est un fournisseur privilégié de King Line Computer, KLC pour les intimes, dont Tanguy est administrateur. Et enfin que KLC est lui aussi grossiste de matériel micro-informatique.

Voilà donc un magazine qui appartient dès sa naissance directement ou indirectement pour plus de 50% à des sociétés vendant du PC. La SARL est hébergée par Tekelec, à qui elle loue ses locaux de Sèvres. C’est cette même société qui assure la tenue de la comptabilité et la caution bancaire pour l’impression du magazine. Entre décembre 95 et janvier 96, coup de théâtre. KLC rachète Aldix, puis les parts d’Achetez appartenant à Laurent Ascher et Frantz Petrich. Le capital directement entre les mains de Tanguy/KLC/Aldix passe à 77 %. Suite à ce rachat, Tanguy se verrait accorder une ligne de crédit plus importante par Tekelec. C’est lui qui l’affirme.
Frantz Petrich, licencié de la revue en août 95, reçoit la promesse de revenir comme éditeur. Ne parvenant pas à signer de protocole d’accord avec le dernier actionnaire en lice, Tanguy refuse d’accorder sa caution bancaire (environ 600 000 F) et le signifie à l’imprimeur, Lopez, pour éditer les 80 000 exemplaires du numéro suivant, le onzième. La revue ne peut sortir pour l’IT Forum. Les annonceurs râlent. Achetez constate l’état de cessation des paiements et est acculée logiquement au dépôt de bilan. Le 22 février 96, le Tribunal de Commerce de Nanterre prononce la liquidation de la société. Une poursuite d’activité d’un mois est autorisée jusqu’au 26 mars. Ce délai légal doit permettre de clarifier les comptes et de récupérer les créances encore à l’extérieur.

Après le 10, le 13
Nouveau coup de théâtre, un nouveau gérant est nommé avec la bénédiction du mandataire judiciaire Me Jacques Chavinier : Jérôme Del Moral. Enfin, disons que le mandataire lui donne tous pouvoirs, tandis que Tanguy le catapulte gérant. A noter, première irrégularité, qu’un tel changement est impossible en période de liquidation. Mais, voici un nouvel acteur que nous ne vous avons pas présenté. Jérôme Del Moral est gendre de Me Yves de Richemont, avocat d’affaires de Tanguy. L’avocat affiche trois villes sur son papier à entête: Paris, New York et... Hong Kong. Avec le mandataire, le nouveau gérant décide, seconde irrégularité, la poursuite de l’activité de la SARL, après même le délai imparti par le Tribunal de Commerce. Un nouveau numéro d’Achetez Micro est même lancé, le numéro 13, alors qu’on en était resté au 10 ! La SARL Achetez navigue tranquillement dans le non droit absolu.

Le 25 mars, tous les salariés (sauf deux dont le frère de Frantz Petrich et un autre en maladie) sont contraints de démissionner ou mis à pied à titre conservatoire, sans que cela soit référé au mandataire. Ils ne recevront pas de salaire et les quelques soldes de tout compte sont faux. Les salariés mis à pied à titre conservatoire le resteront pendant plus de onze mois. Un record. Progressivement, tous seront remplacés par des supplétifs non salariés par la SARL Achetez. Le représentant des salariés alerte alors l’inspection du travail, le juge commissaire et le mandataire judiciaire. Aucune réponse.

L’image que reflète les médias de cette situation est tout autre. Pour le Figaro dans son édition du 16/04/96, l’aventure Achetez Micro est un succès que Tanguy explique ainsi: « pour trouver des annonceurs, il me suffit d’aller voir mes fournisseurs en leur demandant de passer de la publicité dans le magazine. Ils ne refusent jamais. Ensuite, je distribue le journal à mes clients. Cela ne me coûte pas d’argent ». Il y croit encore et a fait appel contre la liquidation de sa société. La 13ème Chambre de la Cours d’Appel de Versailles statue le 24 juin et casse le premier jugement avec précaution. En première audience, Me Richemont déclare que la société se porte bien, que tous les salariés sont payés. Une semaine après, au matin de la seconde audience, les salariés reçoivent leurs arriérés de salaire en recommandé.

Et c’est reparti pour un tour...
Le redressement judiciaire est finalement prononcé le 19 septembre par le Tribunal de Commerce de Nanterre. Me De Richemont répète que tout va bien et sort les chèques de sa poche qu’il remet aux salariés qui n’avaient pas été payés à nouveau depuis plusieurs mois. Or, la cessation de paiement de la société mère KLC a été prononcée le 15 septembre, soit quatre jours plus tôt!

(suite plus bas)



Les choses ne s’arrangent pas pour autant pour les ex-salariés. Les irrégularités s’accumulent: le personnel licencié n’est toujours pas signalé à l’Inspection du Travail, aux Urssaf, aux Assedic, etc. Il ne peut donc s’inscrire à l’ANPE, bien que n’ayant ni salaire, ni couverture sociale. Les salariés en appellent donc une fois de plus à l’Inspection du travail. Après avoir passé quelques mois rue Guy Moquet à Paris, dans l’arrière boutique du magasin Micro Cheap, le magazine déménage une troisième fois pour le 3 place des Pyramides toujours à Paris. Il est hébergé par Media System Developpement, dont le numéro de téléphone indiqué par le 3611 répond par « Achetez Micro, bonjour... ». Media System Developpement est inconnu au registre de commerce.

Ces déménagement successifs et non signalés de façon officielle expliquent peut être pourquoi l’Inspection du Travail de Bagneux, dont dépend la SARL Achetez, n’arrivera jamais à localiser ni son siège (chez Tekelec, on lui répond qu’Achetez a déménagé rue Guy Moquet), ni son établissement principal. Les salariés s’en remettront au Conseil des Prud’hommes. Enfin, la commission de départage du Conseil des Prud’hommes de Boulogne en date du 7 mars 1997 condamne Achetez et relève au passage la « particulière mauvaise fois de la société Achetez dans l’exécution de ses obligations... ». La défense de Me Benoist, le nouvel avocat de Achetez, qui invoquait un principe de droit encore inconnu « le licenciement verbal » n’a pas été suivi... D’autres salariés, les rares qui avaient été embauchés pendant la seconde période du magazine, sont toujours en délicatesse avec la SARL Achetez et attendent patiemment que leur droit soit enfin reconnu.

Et voilà qu’on parle de Akaï
Nous avons aussi oublié de vous préciser que le 10 septembre, Tanguy est nommé Président du conseil d’administration d’Akaï Electronic d’Honfleur, dont il détient une action. Le voilà « PDG d’Akaï à titre personnel » (sic). Est-ce à titre personnel que plus de trois cent salariés d’Akaï resteront sans salaire plusieurs semaines ? Il est sûr et certain que dès janvier 96, il déclarait à qui voulait l’entendre réaliser un chiffre d’affaire de un milliard de francs dans l’année. KLC représente 600 millions de F, Akaï 400. 600 plus 400 égalent le milliard, le compte est bon. Il ne faudrait pas qu’il perde la face en accumulant les pertes avec la SARL Achetez, un nain qui ne vaut « que » 3 millions. Alors qu’il bénéficie de la bienveillance du mandataire, de l’aide d’un avocat et d’un expert comptable, incapables de gérer tous ensembles une société de moins de dix salariés. De plus, Tanguy tient à son magazine : une revue présente pour lui un moyen de communication idéal pour ses autres activités. Sans compter qu’être patron de presse revêt un prestige certain, surtout auprès de certains amis politiciens. Le 2 janvier, Tanguy se sépare de Jérôme Del Moral et de De Richemont et s’auto-proclame gérant d’Achetez à sa majorité absolue. Peu de temps après, Akaï est mis en redressement judiciaire. Puis, il en adviendra de même pour KLC. Le magazine Achetez Micro n’est jamais reparu depuis janvier 1997. Mais notre histoire n’est pas finie.

Manque : 1 dessin de V. Ravel

Note : Nous avons décidé de laisser les fautes d’orthographe d’origine lors de la mise en ligne de cette archive

Nick Larsen

Vous voulez soutenir une information indépendante ? Rejoignez notre Club privé !


[homepage]  [RSS]  [archives]
[contact & legal & cookies]  [since 1997]