Décennie photocopie : Illusions perdues

Notre société évolue, et les rêves des hommes changent au fil des ans. Disparus, les créateurs, les chercheurs, les explorateurs. Aujourd’hui, le but, c’est l’argent. Argent et création ne font pas bon ménage ; les commerciaux sont rarement des gens entreprenants. Petites histoires.

La Renault Espace, vous connaissez. Elle connaît depuis des années un grand succès. Pourtant, à sa création, ce nouveau type de voiture inventé par Matra devait porter le sigle de Peugeot. Le lion s’est désisté, estimant le jeu trop risqué, et le losange a récupéré l’affaire au dernier moment. Avec le succès qu’on sait. Depuis, Peugeot - et bien d’autres - a à son tour lancé un monospace. Sans grand succès.

Dans un tout autre domaine, Le Réverbère, magazine vendu par les sans abris, s’est fait connaître au travers des média, et a su développer une « bonne presse ». Du coup, on trouve maintenant Le lampadaire, Le lampion, La loupiotte, Le gyrophare...

Enfin - c’est le domaine qui vous intéresse le plus a priori, puisque vous lisez ces pages - l’informatique n’échappe pas à cette règle. Prenez un jeu comme Command & Conquer (NDRC : à ta place, j’aurais choisi Dune 2). Un bon petit jeu, qui a un bon succès commercial. Trois mois après, une flopée de copies plus ou moins conformes trônent dans les rayons. Entre Z, KKND, Red Alert et une douzaine d’autres, le joueur a de quoi s’amuser. Sauf, bien sûr, que le thème a déjà été épuisé par le premier titre, et qu’on aimerait bien quelque chose de différent. On pourrait aussi prendre pour exemple les Doomlike, les flippers (très à la mode ces temps-ci), les « Sim-Theme », etc.

Origine d’un retard
Et les commerciaux de répondre : « Mon bon monsieur, on n’est pas là pour vous faire plaisir, mais pour faire de l’argent ». Oui, oui, bien sûr. Il est vrai que certains jeux considérés comme majeurs restent dans les rayons - c’est le cas de System Shock, qui a eu d’excellentes notes partout, mais qui auprès du public n’a eu qu’un succès d’estime. A contrario, signalons aussi que les meilleures ventes se réalisent toujours sur des jeux originaux, et que les différents ersatz n’ont que des miettes à ramasser. Comme ces copies plus ou moins conforment ne coûtent pas cher à développer, elles sont pourtant souvent autant ou plus rentables.

Cette manie de faire « comme » ou « mieux » que le voisin donne lieu actuellement à des retards répétés dans les sorties de jeux. Le principe est simple : vous avez un bon petit jeu sous le coude, prêt à sortir. Votre grand concurrent en a un d’un genre similaire. Alors, on va attendre que l’autre sorte, histoire de voir s’il ne contient pas quelque idée géniale qu’il faut absolument intégrer. L’autre faisant de même, on ne risque pas de voir aucun des deux jeux avant des lustres. Pendant ce temps, heureusement, de petits éditeurs, qui ne peuvent pas se permettre d’attendre, sortent leurs produits. Comme il n’y a rien d’autre dans les rayons, ça marche de folie. Bien fait !

Cette petite guéguerre ne fait que commencer. Elle est en train d’envahir le On Line, avec les jeux en réseau qui rivalisent de non-originalité. Enfin, qui rivaliseraient, s’ils n’étaient indéfiniment retardés.

L’imagination au pouvoir, qu’ils disent
Et la création, dans tout cela ? Il faut dire, à la décharge des commerciaux cités plus haut, que plusieurs tentatives de « création » par des « créateurs » connus (Elite 2, Lords of Midnight 3, etc.) ont donné des produits nuls ou moyens, ont coûté très cher et n’ont eut aucun succès. Fini le temps où on imaginait un concept, et où l’on le programmait, seul, dans son garage. Maintenant, ce sont des dizaines de personnes qui participent à la production d’un jeu. Le « créateur », l’imagineur de concepts, le chantre de l’originalité, perdu au milieu des graphistes, musiciens et autres commerciaux (encore ?) a semble-t-il bien du mal à faire entendre sa voix. Le jeu vidéo entre dans une ère « professionnelle », dit-on. Il lui reste encore à trouver l’équivalent d’un cinéma d’auteur d’un côté, de réalisateurs réellement professionnels de l’autres. Des Spielberg du jeu vidéo qui, avec les moyens conséquents maintenant mis en œuvre, sauront faire mieux que du simple plagiat.

Tiens, pendant qu’on parle garage, je me souviens que côté matériel, c’est le même phénomène. Ca fait carrément un moment qu’on ne parle plus des Power PC d’IBM. Mais si, vous savez bien ? Big Blue devait soutenir son ennemi de toujours, Apple, dans le combat des nouveaux processeurs non-Intel. Les machines existent (il paraît, mais je n’en ai jamais vu. Et vous ?), et on dit même que NT fonctionnerait dessus. En attendant, les PC d’IBM défilent, non pas avec un processeur 6x86 IBM copie maison du Cyrix, mais avec un vrai Intel. Quant au super système d’exploitation (c’était quoi, déjà, le nom de code ?) développé en collaboration avec Apple, il a disparu des communiqués, il y a déjà un bon moment, abandonné. IBM et Apple : la créativité et l’argent enfin réunis ? Tsss. Il fallait vraiment être une pomme pour y croire.
Henry-Ignace Vouala

Manque : 1 BD de Carali

Note : Nous avons décidé de laisser les fautes d’orthographe d’origine éventuelles lors de la mise en ligne de cette archive

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