En
lisant sa déclaration, j’ai failli étouffer de rire :
« A ce jour, personne n’a encore identifié de femme pirate
significative. Mais, mesdames, votre heure viendra. » L’homme qui
tient ces propos devrait pourtant s’y connaître, c’est un agent
du FBI ! Provocation ? Ignorance ? Trou de mémoire ? Mmmm...
Depuis belle lurette, dans le piratage, qu’est-ce qu’on trouve ? Des
filles, bien sûr !
Des femmes pirates, il y en a et il y en a toujours eu, même sur
les mers, du temps des corsaires et des flibustiers. Que notre
pseudo-expert consulte les annales de la police américaine, il y
trouvera des cas de filles pirates. Petit rafraîchissement de
mémoire.
Le cerveau de l’opération : une
mère de famille
1987 : la police américaine est sur les dents. Elle doit
démanteler un réseau de fraudeurs au
téléphone. Le gang, fort de 150 complices, a cassé
les codes PABX (private automatic branch exchange) d’une vingtaine de
sociétés. Les intrus pénètrent les
messageries vocales et téléphonent gratuitement en longue
distance. La bande ne lésine pas, la note atteint
déjà plus de 9 MF. La traque des policiers les conduit au
cerveau de l’opération : Leslie Lynn Doucette, une femme de 35
ans, mère de deux enfants ! Connue des phreakers sous les
pseudonymes de Kyrie ou Long-distance information, elle dirige un
réseau de jeunes pirates qui la placent sur un piédestal.
Elle leur enseigne son art du piratage par conférences
téléphoniques. De tout le pays, ils lui envoient de
l’argent. Cette brave mère de famille n’en est pas à son
coup d’essai. Deux ans plus tôt, Leslie Lynn a fui le Canada avec
ses deux gosses sous le bras. Et pour cause, elle venait d’y être
condamnée pour fraude aux communications. Mais cette sanction ne
la dissuade pas d’aller poursuivre, ailleurs, sa carrière
lucrative de phreaker. Grisée par le succès, ou
peut-être lassée de s’esquiver d’avion en chambre
d’hôtel, elle court à la faute. Elle contacte le juge Gail
Trackeray pour se vanter de ses exploits et lui proposer de servir
d’informatrice. Mais madame le juge ne l’entend pas de cette oreille.
Elle remet aussitôt les bandes magnétiques de leurs
conversations aux services secrets. C’est dans un appartement, au nord
de Chicago, que les policiers arrêtent Kyrie en mai 1989. Le chef
de bande est condamnée à 27 mois de prison.
Susan Thunder, la reine du social
engineering
Le cas de Susan Thunder est certainement plus célèbre.
Souvent décrite comme une fille de mauvaise vie, limitée
à ses frasques sexuelles, Susan Headley, alias Susan Thunder est
en réalité la reine du
social engineering. Sa route
croise un jour celle de Lewis DePayne, dont elle devient la petite
amie. Sous le pseudonyme de Roscoe, le jeune homme est le compagnon de
piratage de... Kevin Mitnick et Susan fera désormais partie de
la bande. Les garçons l’ont vite remarquée : Susan
excelle dans l’art de la ruse pour parvenir à ses fins. La bande
est inséparable jusqu’au jour où Susan apprend que Roscoe
la trompe. Devenue pirate par amour, Susan décide de se venger
de cette infidélité. Elle sera le principal témoin
à charge dans son procès, et y gagnera sa propre
immunité. Maîtresse dans l’art de la manipulation, elle
intervient au congrès des hackers, le Defcon III à Las
Vegas, sur son thème favori : «
Le social engineering ou
l’art de la subversion psychologique
». De conférence en démonstration, Susan Thunder
attire des nuées d’admirateurs. Des fans lui dédient un
forum de discussion sur l’internet. Mise au défi,
officiellement, de pénétrer les systèmes d’une
base militaire avec pour seuls outils un ordinateur, un modem et un
téléphone, la jeune femme y parvient en quelques heures.
Une fois encore, elle utilise sa meilleure arme : son pouvoir de
conviction. En quelques coups de téléphone et en se
faisant passer pour l’assistante d’un haut gradé, Susan se fait
« confirmer » les mots de passe nécessaires.
L’ordinateur n’intervient qu’en second lieu. Un peu plus tard, Susan
abandonne le piratage pour une autre activité où elle
peut exercer à loisir son art du bluff : elle devient joueuse de
poker professionnelle.
Tout simplement plus malignes
Bien sûr, ces affaires ne sont que la partie
émergée de l’iceberg, il ne s’agit que de la facette
délinquante du piratage. Pas de figure de proue à la
Mitnick ? Les garçons en déduisent immédiatement,
comme mon copain Olivier, que «
techniquement,
elles n’assurent pas ! » . Normal les gars, vous faites
erreur sur nos motivations. Tenez-vous le pour dit : les filles sont
peu attirées par la technique pour la technique. Et rien ne nous
rend un garçon aussi risible et peu sexy que celui qui n’est
branché que par la technique. Je vous épargne les blagues
de filles à ce sujet.
Mais surtout, le monde des pirates est, depuis des années,
majoritairement blanc et masculin. Pas de quoi se sentir
forcément à l’aise. Les filles n’y sont pas les
bienvenues, traitées de prostituées ou de lameuses
à peine elles pointent le bout de leur... nez. Poussées
à se fondre dans la meute sous des pseudonymes masculins, ou
à se retrancher entre consœurs, les filles ont encore du mal
à trouver leur place parmi les pirates. Enfin, prétendre
qu’il n’y a pas de femme significative dans le piratage, c’est gommer
une caractéristique qui n’a pas échappé, elle,
à nos policiers français : «
Qu’il n’y ait pas de filles pirates
arrêtées par la police ne veut pas dire qu’il n’y en a
pas. Les filles sont moins m’as-tu-vu et ne cherchent pas à
attirer l’attention des foules sur leurs exploits. Elles sont
peut-être tout simplement plus malignes pour ne pas se faire
pincer ! » explique Marcel Vigouroux, patron de la Brigade
centrale de répression de la criminalité informatique.
Effectivement, des filles pirates font peu parler d’elles et sont
pourtant actives. Pourquoi piratent-elles ? Et qu’est ce que ça
peut faire qu’il y ait des filles pirates ? Rendez-vous pour en parler
dans le prochain numéro de
Pirates
Mag’. Mais d’ici là, j’attends vos commentaires !
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