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2020-05-16 17:04

Notre distributeur Presstalis a fait faillite, les conséquences pour Virus Info et Pirates Mag’. Quelles solutions ?



Le 20 avril, Presstalis a informé le Tribunal de commerce de Paris qu’elle n’était plus en mesure d’honorer ses obligations financières. Une situation qui nous place dans une situation critique à notre tour : cette société distribue nos magazines en France (comme la majorité de la presse en France) et se charge de l’exportation vers les autres pays.

À la fin de parution d’un numéro, Presstalis (ex-NMPP) récupère chez les marchands les invendus (qu’elle détruit à notre demande, c’est la solution la plus économique) et l’argent des ventes, qu’elle nous reverse normalement (moins les commissions) à la fin du mois suivant. Ce résultat des ventes couvre les salaires, les frais d’impression, la t.v.a., etc. Pour le numéro actuellement en kiosques, nous ne toucherons très probablement rien, alors que la situation était déjà difficile par ailleurs : nous avions livré nos exemplaires aux revendeurs juste avant le confinement et tous n’ont pas encore réouvert leurs portes, empêchant les ventes de se faire. L’Estonie, pays où nous sommes basés, a mis en place des aides financières pour que les petites sociétés puissent faire face à la crise du coronavirus, mais nous n’entrons dans aucune des cases prévues et n’auront donc aucun soutien. Alors que nos magazines s’approchaient de l’équilibre financier en 2019, leur situation en 2020 est devenue catastrophique, même en se privant de salaires.

Revenons à Presstalis. Depuis des années, les quotidiens et les magazines s’affrontent au sein de cette société : les magazines n’ont plus ni l’envie ni les moyens de combler un trou financier dû aux quotidiens (propriété pour plusieurs de milliardaires comme Xavier Niel, Daniel Kretinsky, et d’autres). Les magazines semblent résignés à se faire distribuer par le concurrent MLP. Les quotidiens ont, eux, proposé au tribunal de maintenir Presstalis si quelques magazines se joignent à eux. Ce n’est pas gagné : les quotidiens n’ont qu’une vision à court terme, leurs lecteurs basculent vers la lecture sur Internet et d’ici quelques années la migration sera terminée. Ce type de presse aux articles à faible durée de vie pourra se passer du papier. Au contraire des magazines. Nous sommes attachés au papier et nos lecteurs aussi : nos ventes dématérialisées sont faibles, insuffisantes pour nous faire vivre.

Le 15 mai, le tribunal a accepté le plan des quotidiens, il a décidé de mettre Presstalis en redressement judiciaire avec une période d’observation de deux mois. Si le test échoue, c’est non seulement l’argent du numéro en cours que nous aurons perdu, mais aussi celui du numéro suivant (que nous ne savons pas encore comment financer). Le tribunal a aussi décidé la liquidation sans continuité d’activité des filiales de Presstalis chargées de la distribution dans certaines provinces. À ce niveau, plus de 500 emplois sont menacés (en sus de ceux en région parisienne), le « syndicat du livre CGT » bloque donc la distribution de la presse depuis quelques jours ici ou là. Non seulement les titres distribués par Presstalis, mais aussi ceux de chez MLP. Toute la filière va souffrir de cette situation : des centaines d’éditeurs de presse comme nous, des milliers de marchands de journaux, des imprimeries.

Ailleurs, il est de bon ton de critiquer Presstalis, la CGT, etc. Les uns sont traités d’escrocs, les autres de fainéants. Certes tout n’est pas rose (il y a eu de mauvaises décisions des directions successives, un simple ouvrier gagne plus que l’ensemble de notre équipe, etc.), mais nous ne cracherons pas dans la soupe alors que ces équipes nous ont permis de distribuer un magazine alors que nous n’avions ni connaissance ni moyens financiers au début (MLP n’avait pas voulu). Nos interlocuteurs successifs se sont comportés comme de vrais partenaires souhaitant et agissant pour le succès de nos publications. Plusieurs années dans les kiosques. Nous ne serions pas arrivés jusqu’ici sans eux.

Pendant un temps, nous espérons tenir grâce aux ventes des versions dématérialisées du numéro actuel et des numéros précédents, qui transitent par un autre circuit de distribution et dont le produit des ventes nous est reversé plus rapidement.

L’avenir ?
Nous avons bien avancé le numéro suivant de Virus Info et son prochain hors-série Pirates Mag’. Le confinement a eu une influence sur le contenu avec des enquêtes que nous avons hâte de partager avec vous tant elles vont bousculer les choses. Quelles sont les options pour ce faire ?

Nous aimerions, pour commencer, en savoir un peu plus sur la sauce à laquelle nous « allons être mangés ». Là, nous n’arrivons plus à joindre nos contacts habituels chez Presstalis (vu la situation, nous pouvons le comprendre). Nous n’avons aucun contact de la part des quotidiens pour savoir comment ils souhaiteraient nous intégrer à leur plan.

Ceci dit, voici quelques alternatives envisageables, alors que nous souhaitons maintenir l’indépendance qui nous permet de vous informer de ce que les autres médias ne vous disent pas à cause de leurs annonceurs publicitaires ou actionnaires :
- diffuser ces nouveaux articles gratuitement en ligne, mais cela veut dire que nous ne saurons pas financer les enquêtes suivantes (il nous faudra travailler encore plus ailleurs, le temps libre pour enquêter sera très réduit) ;
- diffuser ces articles sous forme d’e-book (sans mise en page ou alors, éventuellement, plus tardivement avec retéléchargement gratuit) sur les plates-formes habituelles (pour le moment nous n’y avons pas assez de lecteurs) ;
- faire payer les articles à l’unité (les plus importants en tout cas) avec des systèmes par numéro de téléphone ou SMS surtaxés par exemple ;
- mettre en place un « «club privé » payant sur abonnement (forum, ou groupe…) ;
- se faire accepter pour une distribution MLP (en espérant la fin des blocages CGT), mais cela veut dire qu’il faut tout refaire (notamment la répartition des exemplaires qui est déjà optimisée chez Presstalis) et le prochain numéro risque donc d’être en retard, entraînant une perte de son certificat de CPPAP avec sanction fiscale à la clé (nous avons contacté et attendons la réponse de cette administration qui dépend du Ministère de la Culture pour savoir si elle nous pardonnerait un retard pour lequel elle nous a déjà sanctionné dans le passé) ;
- ou faire un appel aux dons pour financer l’impression (en direct, par Tipeee, Patreon ou autre), une solution qui n’est pas le genre de la maison.

Nous sommes en train d’étudier les solutions techniques et comptables pour chacune d’elle. Plusieurs de ces options nécessitent des développements informatiques dont la rédaction n’a pas le temps de s’occuper pour le moment, ni les moyens. Si vous avez d’autres idées à nous proposer, elles sont les bienvenues.
Merci pour votre fidélité !


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