TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MEAUX

3 ème CHAMBRE

JUGEMENT CORRECTIONNEL DU 12 NOVEMBRE 2003

CONTRADICTOIRE

N° de Jugement : CM-4848
N° de Parquet : 016495

Le TRIBUNAL CORRECTIONNEL, en son audience publique tenue au Palais de Justice de MEAUX le DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE TROIS

composé, lors des débats ayant eu lieu le 23 octobre 2003 et du délibéré qui s’ensuivit de

Président         Monsieur REVEL, vice-président,
assesseurs :     Madame BAILET, vice-président,
Monsieur de GARATE. Juge,

assisté, au cours des débats de Mademoiselle FANTON, Greffier, et au prononcé du jugement de Mademoiselle JOURNET, Greffier,

en présence, lors des débats de Monsieur DEMORY, Procureur de la République Adjoint, et au prononcé du jugement de Madame DURANTON, substitut du procureur de la République,

a rendu le présent jugement dans l’affaire

ENTRE :

Monsieur le procureur de la République, près le Tribunal de Grande Instance de Meaux, demandeur et poursuivant,

LA  SCP Jean-Pierre PERNAY & Philippe  ANGEL,  société de mandataires de justice, inscrite au RCS de Meaux sous le N° D 404 425 126 dont le siège est 49/51 Avenue du Pdt Salvador Allendé 77109 MEAUX Cedex,

agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA "INFORMATIQUE et DEVELOPPEMENT (ID)" exerçant sous l’enseigne "ADEQUAT" dont le siége social était sis Parc Aux Vignes 23 Allée des Vendanges 77183


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Croissy Beaubourg en vertu d’un jugement du Tribunal de Commerce de Meaux en date du 4 décembre 2000 ;

partie civile constituée par l’intermédiaire d’un avocat à l’audience, non comparante, représentée par Maître LA BURTHE Avocat au barreau de MEAUX

ET :

Nom : J******** Jean Marc
Date de naissance : **/**/1961
Lieu de naissance : 94 VITRY SUR SEINE
Filiation : de J******** Jean et de R******** Jeanine
Nationalité : FRANÇAISE
Demeurant : ************************ 77174 VILLENEUVE SAINT DENIS
Situation familiale :
Profession :

Jamais condamné, libre

Comparant à l’audience, en personne

Prévenu de ;
- ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D’UNE SOCIETE PAR ACTIONS PAR UN DIRIGEANT A DES FINS PERSONNELLES
- BANQUEROUTE - DETOURNEMENT OU DISSIMULATION DE TOUT OU PARTIE DE L’ACTIF

Déroulement des débats

L’affaire a été appelée à l’audience du 23 octobre 2003 ;

A cette audience et à l’appel de la cause, le Président a constaté la présence et l’identité du prévenu, puis a donné connaissance de l’acte saisissant le Tribunal ;

Maître LA BURTHE Avocat au barreau de MEAUX, a déclaré se constituer partie civile au nom de la SCP PERNAY-ANGEL agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SA Informatique et Développement et a déposé des conclusions dûment visées et jointes au dossier ;


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Le prévenu a répondu aux questions du Tribunal ;

La partie civile a exposé ses demandes et arguments ;

Le représentant du Ministère Public a pris ses réquisitions orales ;

Le prévenu a présenté ses moyens de défense ayant eu la parole en dernier ;

Le Greffier a tenu note du déroulement des débats ;

A l’issue des débats, le Président a averti les parties présentes que le jugement serait prononcé le 12 novembre 2003 à 13 heures 30 ;

Ce jour, après que le Tribunal en ait délibéré selon les formes légales, il a été donné lecture en audience publique du jugement dont la teneur suit par l’un des magistrats ayant assisté aux débats et participé au délibéré ;

LE TRIBUNAL

Attendu que J******** Jean Marc a été personnellement cité pour comparaître à l’audience du 23 octobre 2003 par procès verbal de convocation en justice qui lui a été notifié le 18 Juillet 2003 par un Officier ou Agent de Police Judiciaire agissant sur instructions du Procureur de la République, en application de l’article 390-1 du Code de procédure pénale ; que la citation est régulière en la forme ;

Attendu que J******** Jean Marc est prévenu :

d’avoir à CROISSY BEAUBOURG entre le 30 mai 1995 et le 31 mars 2000, étant Président du Conseil d’Administration de la SA INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT, fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage contraire à l’intérêt de celle-ci,
soit à des fins personnelles, soit pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé, en l’espèce :
- en annulant, le 31/03/1999, par l’enregistrement comptable d’une facture non causée d’un montant de 214373 euros, la dette d’une ALPHASYS EURL envers son associé unique la SA   INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT, constituée par des avances en compte courant pour
un montant de 85 442,80 euros et par des frais de constitution pour 99 681,99 euros
- en versant le 05/09/1995, la somme de 24 391,84 euros par chèque bancaire de la société INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT dans le


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cadre de la signature en son nom personnel d’une promesse de vente immobilière, prélèvement masque en comptabilité par un enregistrement en "avance fournisseur"
- pour avoir fait régler par la SA INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT, en l’absence de convention ou d’autorisation du conseil d’administration, le loyer d’un logement personnel du 10/07/1995 au 31/10/1998 pour un montant mensuel de 1067,14 euros et pour avoir remis, le 30/05/1995, pour le même logement, au titre de caution, un chèque de la SA INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT de 2 134,29 euros"
- pour avoir fait supporter par la SA INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT du 01/10/1998 au 31/03/2000 un loyer mensuel de 1 484,47 euros à la SCI MAGELLAN dans laquelle il était associé et qui avait été créée pour acquérir sa résidence principale
faits prévus par ART. L. 242-6 3°, ART. L. 242-30, ART. L. 243-1, ART. L. 244-1, ART. L. 246-2 C. COMMERCE et réprimés par ART. L. 242-6 C. COMMERCE

de s’être à CROISSY BEAUBOURG le 4 décembre 2000, ayant dirigé ou liquidé une personne morale de droit privé ayant une activité économique, directement ou indirectement, en droit ou en fait, rendu coupable du délit de banqueroute, à l’occasion de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire en ayant tenu une comptabilité incomplète ou irrégulière en l’espèce :
- en comptabilisant une facture non causée de l’EURL ALPHASYS dont il était le dirigeant pour un montant de 214 373 euros en date du 31/03/1999
- en enregistrant faussement un prélèvement personnel de 24 391,84 euros par une écriture dans un compte "fournisseur-avance sur commande" ; faits prévus et réprimés par les articles 131 -5 et 131 -6 et suivants du Code Pénal. faits prévus par ART. L. 626-2 2°, ART. L. 626-1, ART. L. 626-3 C. COMMERCE et réprimés par ART. L. 626-3 AL. 1, ART. L. 626-5, ART L. 626-6: ART. L. 625-8 AL. 1 C. COMMERCE


SUR L’ACTION PUBLIQUE

Attendu que J******** Jean-Marc, en sa qualité de président du conseil d’administration, était au temps de la prévention le dirigeant de droit comme de fait de la Société Anonyme INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT (ID) au capital de 500.000 francs, laquelle avait son siège social 23 allée des Vendanges à Croissy Beaubourg (77) ;

Que cette société dont l’activité principale consistait à vendre des logiciels et principalement un antivirus FPROT représentant 90% du chiffre d’affaires, a fait l’objet d’une liquidation judiciaire prononcée le 4


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décembre 2000 par le Tribunal de Commerce de Meaux sur assignation de l’URSSAF ;

Attendu que la société ID a connu des difficultés financières dès 1995 avec des fournisseurs et la société de factoring FACTO FRANCE HELLER ;

Qu’elle avait notamment en fin d’année 1995 une dette supérieure à 1.6 million de francs envers la société DATA FELLOWS, fournisseur du logiciel FSECURE, cette dette ayant une importance non seulement pour la trésorerie mais également en terme de politique de gestion dans la mesure où ce fournisseur assurait la quasi-totalité du chiffre d’affaires d’ID ;

Qu’avec le soutien de ce partenaire et grâce à une conjoncture favorable, la société a poursuivi son exploitation jusqu’à la liquidation judiciaire fin 2000 ;

Qu’il apparaît à la lecture des bilans, une incapacité virtuelle à ne plus pouvoir faire face au passif exigible au 31 décembre 1997 et qu’à partir des comptes clos au 31 mars 1999 cette société générait des pertes se montant à 228.057 Frs pour l’exercice 1998-1999 et l.584.586 Frs au 3l mars 2000

Qu’il convient de fixer la date de cessation des paiements au 30 novembre 1999, date à laquelle surviennent les premiers impayés significatifs ;

Attendu que l’enquête et les débats ont révélé que dans le même temps le prévenu s’est octroyé des avantages personnels :
- dès l995 il a émis un chèque de 160.000 Frs depuis le compte ID vers Mr Z********, réglant de la sorte la conclusion d’une promesse de vente signée en son nom personnel au moyen de la trésorerie de la société ID. Cette somme a été cachée en comptabilité comme étant une avance fournisseur FIDART ;
- par la suite il a tait supporter de façon indue à sa société le règlement de loyers, à raison de 9500 Frs par mois, au bénéfice de la SCI MAGELLAN dont il était porteur de parts avec son épouse. Celle SCI constituait sa résidence principale pour laquelle les remboursements d’emprunt correspondaient au montant du loyer supporté par ID. Les loyers ont ainsi été réglés du 1er octobre 1998 au 31 mars 2000 soit un préjudice de 200.000 francs environ. Il convient de préciser que 3500 Frs mensuels étaient comptabilisés sur la feuille de paie de J******** Jean-Marc en avantage en nature et que celui-ci n’a jamais rapporté le moindre commencement de preuve réelle et sérieuse d’une utilisation alléguée de son domicile conforme aux intérêts de la société ID ;


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- le paiement d’une facture de 1.4 millions de francs à la société ALPHASYS est venue indûment appauvrir les comptes de la société ID le 31 mars 1999. ALPHASYS,  EURL ayant comme associé unique la SA ID, avait été créée apparemment pour rechercher de nouveaux produits. Ses frais de constitution et de fonctionnement ont été supportés par ID et le prévenu lui-même a reconnu que la facture critiquée n’avait aucun fondement. En effet le chiffre d’affaire d’ALPHASYS était nul et si ID avait conclu avec l’EURL une convention de prêt de main d’oeuvre, dite à but non lucratif (sic), aux termes de laquelle Monsieur C******, unique salarié d’ALPHASYS, devait rechercher de nouveaux produits pour le compte de la société ID, il s’avère qu’entendu sur ce point Monsieur C****** a indiqué n’avoir pas du tout travaillé pour le compte de la Société 1D mais oeuvrer au lancement pour acompte d’ALPHASYS d’un produit de sécurité à domicile dit "REX". II s’ensuit que l’émission de la facture litigieuse n’a eu d’autre objet que de permettre d’apurer la situation débitrice de la société ALPHASYS et de favoriser sa vente le 24 novembre 2000 à un groupe danois VENTURE 2000 au vu d’une situation comptable faussement saine. Pour preuve supplémentaire du caractère fictif de la facture incriminée, le Tribunal note que le liquidateur judiciaire de la société ID a obtenu un dédommagement de 800.000 Frs auprès de VENTURE 2000 ;

Attendu qu’il est rapporté la preuve certaine et suffisante, en l’état des éléments du dossier et des débats, que le prévenu J******** Jean Marc a bien commis les faits qui lui sont reprochés, lesquels caractérisent le délit d’abus des biens sociaux pour ceux survenus avant le 30 novembre 1999 et le délit de banqueroute pour ceux survenus depuis cette date ; Que sous réserve des requalifications partielles qu’impose cette distinction chronologique, la prévention est bien fondée et en conséquence il convient de le déclarer coupable et de lui faire application de la loi pénale ;

Que la peine détaillée dans le dispositif du présent jugement apparaît être la sanction appropriée aux circonstances dans lesquelles les infractions ont été commises et à la personnalité de leur auteur, telle qu’elle ressort du dossier ou qu’il l’a révélée à l’audience ;

Que la gravite et la multiciplicité des détournements relevés commandent de prononcer la faillite personnelle du dirigeant indélicat de la Société ID ;


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SUR L’ACTION CIVILE

Concernant la constitution de partie civile de la SCP PERNAY-ANGEL

Attendu que la SCP PERNAY-ANGEL agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Informatique et Développement se constitue régulièrement partie civile et sollicite la somme de 283.626,69 ¤ à titre de dommages et intérêts selon le détail exposé dans ses conclusions, ainsi qu’une indemnité de 1200 ¤ sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Sur ce,

Attendu qu’en l’absence d’une quelconque cause de réduction ou d’exclusion de son droit à indemnisation, la partie civile précitée peut être reçue en son action et légitimement prétendre à un entier dédommagement des préjudices trouvant leur source dans la faute pénale commise par le prévenu ;

Attendu qu’au vu des informations résultant du dossier, des justifications produites et des explications fournies, le Tribunal dispose d’éléments d’appréciation suffisants pour fixer à la somme de 283.626,69 ¤ le montant des dommages et intérêts assurant la réparation intégrale du dommage réellement causé par l’infraction ;

Qu’il est équitable, par ailleurs, que soit versée à cette même partie civile une somme de 1200 ¤ pour les dépenses qu’elle est contrainte d’engager afin de faire valoir ses droits et qui ne seront ni supportées par l’Etat, un assureur ou tout autre organisme, ni prises en compte dans le calcul des dépens de l’action civile devant être mis à la charge du condamné ;


PAR CES MOTIFS

SUR L’ACTION PUBLIQUE

Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, à l’égard de J******** Jean Marc ;

Déclare J******** Jean Marc coupable des faits qui fui sont reprochés.


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Condamne J******** Jean Marc :

à la peine de 18 mois d’EMPRISONNEMENT avec SURSIS ;

Prononce sa faillite personnelle à titre de peine complémentaire ;

pour l’infraction de ABUS DES BIENS OU DU CREDIT D’UNE SOCIETE  PAR ACTIONS  PAR  UN DIRIGEANT  A DES FINS PERSONNELLES
pour  l’infraction  de BANQUEROUTE :  DETOURNEMENT  OU DISSIMULATION DE TOUT OU PARTIE DE L’ACTIF

En raison de son absence constatée lors du prononcé du jugement, le Président n’a pas pu donner au condamné l’avertissement prévu par l’article 132-29 du Code pénal, l’avisant notamment que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une nouvelle condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines aggravées de la récidive dans les termes des articles 132-35 et 132-37 du Code pénal ;

SUR L’ACTION CIVILE

Reçoit la SCP PERNAY-ANGEL agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SA Informatique et Développement en sa constitution de partie civile ;

Condamne J******** Jean Marc à lui payer :

- la somme de 283.626,69 Euros à titre de dommages et intérêts ;

- la somme de 1.200,00 Euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Le condamne en outre aux dépens de l’action civile ;

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de quatre vingt dix euros (90 Euros) dont est redevable chaque condamné.

Et le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,