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Paru dans Le Virus Informatique n°7
1998-05-01 00:00

Fnac, la remballe !



Des produits d’occasion vendus comme neufs dans plusieurs grands magasins à travers la France, voilà de quoi attiser notre curiosité! Tout commence par un témoignage reçu à la rédaction provenant d’un ex-vendeur de la Fnac repenti. Au début, on a du mal à y croire, même si ses propos semblent plus ou moins logiques. On pense à une malveillance de la part d’un concurrent ou d’un salarié qui souhaite se venger de son ancien employeur, qui l’aurait licencié par exemple. Par acquis de conscience, on vérifie: on interroge des vendeurs exerçant ou ayant exercé chez l’agitateur et ailleurs, on lance un appel à témoins, etc. Et après enquête, on doit se rendre à l’évidence : la remballe, oui, ça existe!
Dossier réalisé par l’ensemble de la rédaction

Témoignage. J’ai choisi les colonnes du Virus pour vous faire partager mon expérience de quelques mois en tant que vendeur en logithèque à la Fnac. Vous ressortirez peut-être incrédule et continuerez sagement à faire vos petites emplettes auprès de la célèbre enseigne. Ou bien vous porterez dorénavant un regard différent sur la « fraîcheur » des produits que Monsieur Fnac vous propose dans ses linéaires cossus.
Pour fixer les esprits, il faut savoir que ce sont des dizaines de CD-Rom qui sont chaque jour rapportés en magasin par des clients mécontents. Je ne vous surprendrai pas en disant qu’il s’agit pour l’essentiel de jeux. Ceux-ci refusent de s’installer, « plantent » allègrement ou nécessitent de fait une configuration nettement supérieure à celle qui est requise sur la boîte. Ou tout simplement, le client a changé d’avis et souhaite profiter du service « satisfait ou remboursé » promis par l’enseigne. Le produit n’a alors peut-être pas été utilisé du tout. Peut-être, aussi, est-il retourné, en fin de période d’essai, après 15 jours d’utilisation intensive. Ou comment bénéficier d’une location gratuite…
Je ne m’étendrai pas plus sur les petits malins qui ont bien compris le « système » Fnac: ils viennent régulièrement échanger ou se faire rembourser les logiciels qu’ils ont auparavant honteusement copiés et recopiés entre potes. Illégal, bien sûr!
Bref, lorsque vous retournez un CD-Rom en magasin, voici ce qu’il se ­passe…

Fédération Nationale des Achats (re)Cellophanés

En professionnel aguerri par des mois de pratique, le vendeur vérifie tout d’abord que vous n’avez pas défoncé la boîte. Si le produit n’a pas été déballé, parfait: retour en rayon mérité! Sinon, il jette un rapide coup d’œil sur la surface du CD afin de s’assurer que vous ne vous en êtes pas servi pour aiguiser votre Laguiole. Ensuite, il feuillette le manuel d’utilisation, à la recherche du moindre graffito qui lui permettrait de vous dire, avec un sourire cynique aux lèvres, qu’il ne peut pas reprendre votre ­logiciel.
Si rien, vraiment rien, ne peut vous être reproché, alors vous repartirez benoîtement avec votre bon de remboursement à présenter en caisse. Pour le vendeur au gilet vert, deux situations se présentent: « sticker rouge » ou « sticker vert » (ndlr.: ce système n’est pas utilisé dans tous les magasins apparemment).
L’étiquette rouge que l’on pose sur le produit que vous venez de rendre signe son caractère définitivement défectueux. Elle entraîne par conséquent un retour à l’éditeur ou au constructeur concerné. Le retour passe par la Centrale d’Achats Fnac qui vraisemblablement se fera prier pour accepter de reprendre sa camelote. Il convient donc, si l’on veut faire carrière au rayon logithèque, d’utiliser le sticker rouge avec parcimonie, voire circonspection. Car il signifie surtout que, vu l’état dans lequel il se trouve, le produit ne pourra pas être remis en vente même après avoir subi un bon lifting. Les logiciels de bureautique et les utilitaires se verront d’emblée marqués d’un sticker rouge. La plupart d’entre eux contiennent, en effet, un emballage spécifique qu’il n’est pas possible de reconstituer une fois ouvert.
L’option qui réjouira les « agitateurs » est donc celle du bon vieux sticker vert. Elle ouvre les portes d’une seconde vie au CD-Rom que vous venez de rapporter parce que, selon vous, il était défectueux! Dans le jargon des vendeurs les opérations suivantes s’appellent le « check » et la « cello ».
Quotidiennement (voire plusieurs fois par jour après la vague des achats de fin d’année), les logiciels marqués d’une ­étiquette verte sont reconditionnés pour regagner, au plus vite, leur place dans les rayons.

Une machine puante, bruyante mais efficace

Pendant que les clients arpentent les allées de la logithèque à la recherche du prochain titre (neuf?) qu’ils vont s’empresser d’acheter, au sous-sol du magasin, des petites mains s’activent. La surface des CD est « checkée » (pas de rayures trop apparentes?) et nettoyée de toute trace de doigts suspecte. On « checke » que vous n’ayez rien écrit au stylo (cheat codes ou autre) sur le manuel d’utilisation, on « checke » l’état général de la boîte, et hop, direction la cellophaneuse (aussi appelée « blisteuse »)! En général, pas le temps de « checker » que le logiciel fonctionne! Inutile puisque les problèmes constatés avec les logiciels viennent le plus souvent d’incompatibilité avec la configuration du client, ou de son inexpérience. Les cas de CD réellement défectueux sont très rares.
La cellophaneuse est une machine bruyante et puante, mais terriblement efficace. En quelques secondes, elle recellophane tout ce qui l’a déjà été, tout ce qui peut l’être et tout ce qui le sera encore à nouveau. Eh oui, chers adhérents et chers clients, ce que je décris ici vaut aussi bien pour les CD-Rom que pour les films vidéo et laser, les cassettes et les CD-Audio enregistrés, les manettes de jeu, les modems, etc.
Ainsi, le logiciel, qui quelques heures plutôt, vous prenait la tête parce qu’il refusait de s’installer, plantait, boguait ou ramait à mort sur votre micro se retrouve de nouveau en rayon, reconditionné et réétiqueté, prêt à être revendu. Il faudra plusieurs aller et retour client-magasin avant qu’un vendeur ne décide de sceller pour de bon le sort dudit CD-Rom avec un sticker rouge. Quoique, avec un peu de chance pour les gestionnaires du rayon, le produit recellophané ne reviendra pas. Le nouvel acheteur aura réussi à s’en servir par miracle, cherchera en vain à joindre la hot-line de l’éditeur, laissera passer le délai fatidique des 15 jours ou, imparable, aura entre-temps perdu son ticket de caisse.

Fnac: reconditionneur depuis 1954?

Il est facile de comprendre qu’un produit défectueux - ou considéré comme tel dès lors que l’emballage est simplement ouvert - qui doit être retourné au fournisseur constitue une charge quel que soit le magasin: gestion des retours, immobilisation du stock, baisse de rentabilité. Mais je voulais mettre en lumière l’hypocrisie sereine qui règne à la Fnac. Elle masque une politique de gestion des retours de marchandise un peu trop systématique.
L’un des grands atouts de la Fnac, vous l’aviez remarqué, c’est de proposer à ses clients une garantie totale « satisfait ou remboursé dans les 15 jours qui suivent votre achat ». Un discours commercial qui se veut rassurant car, à la Fnac, on vous accorde le droit de vous tromper, oui Monsieur! Mais ce que l’on oublie de vous dire c’est que cet avantage concurrentiel a une contrepartie: votre petite famille vient de s’offrir pour Noël un micro-ordinateur multimédia flambant neuf ? Quelle garantie avez-vous en définitive qu’il ne s’agit pas d’un matériel de seconde main habilement reconditionné?
Alors, après avoir fait vos achats à la Fnac, si en rentrant chez vous vous avez le moindre doute sur la « fraîcheur » des articles que vous venez d’acquérir, n’hésitez surtout pas à rapportez-le tout à votre magasin le plus proche. En bas, au sous-sol, on vient de mettre un rouleau de film plastique neuf dans la ­cellophaneuse.
Gilles

Satisfait ou remboursé: les abus!

Compte bancaire vide? Impossible de retirer du liquide à un guichet? De petits malins prennent les magasins, qui assurent le service « satisfait ou remboursé », pour des banques avec prêts à taux zéro! Comment? Ils achètent dans un de ces magasins des articles pour un montant équivalent à la somme désirée, puis payent par carte de crédit à débit différé. Il leur suffit de revenir plus tard, et de demander un remboursement. Le plus souvent, celui-ci s’effectuera en liquide. Leur compte, lui, sera débité plus tard… Malhonnête.

Que dit la loi?

Nous avons questionné la D.G.C.C.R.F. (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) à ce sujet. Le devoir d’information du client est obligatoire: on ne peut pas présenter comme neuf un produit qui a déjà servi, c’est de la tromperie. L’occasion débute dès qu’il y a un changement de propriétaire, ou simple utilisation. Exemple, la chemise, qu’on rapporte parce qu’elle est trop grande, ne devrait pas être revendue! Mais allez le prouver! Autre exemple: une voiture qui a été prêtée par un garage ne peut plus être vendue comme neuve. Rappelons que la Fnac propose à ses clients d’essayer en magasin ses CD-Audio: ceux-ci sont déballés, puis remballés finalement, si le client les refuse.
La clientèle peut s’appuyer sur l’article L. 1111 du code de la consommation, qui oblige le vendeur de mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. L’état neuf ou occasion en est un. Également utile, l’article L. 113-3 concernant l’obligation d’affichage: les magasins se doivent d’afficher que ces produits sont de seconde main!

La position officielle de la Fnac

Nous avons eu du mal à avoir un interlocuteur compétent à la Fnac. C’est Victor Jachimowicz, directeur des études, qui a répondu à nos questions. Enfin, presque!

Combien de produits sont ramenés suite à votre offre « satisfait ou remboursé » ?
Ce service est rare, peu d’enseignes le pratique. Il coûte à la Fnac, mais si nos concurrents savaient combien il nous coûte, sans doute qu’ils changeraient de position.
Que deviennent ces produits?
Ils ne sont pas revendus, c’est clair!
Ah bon?
Ils sont recyclés mais je ne peux/veux pas vous dire comment.
On n’en saura pas plus.

Satisfait ou remboursé: les conditions

« La Fnac échange ou rembourse tous les produits dont vous ne seriez pas satisfait, quelles que soient les raisons de votre insatisfaction, dans les 15 jours suivants l’achat sur présentation du ticket de caisse ou de la facture. Conditions de reprise: le matériel doit être en parfait état et complet (emballage, accessoires, notice, etc.). »

Notre enquête...

La remballe ne serait donc pas réservée qu’aux produits alimentaires. Notre premier réflexe a été de nous rendre dans un magasin Fnac de la région parisienne. Nous avons demandé, innocemment, à un vendeur du rayon informatique ce que deviennent les produits ramenés: « nous avons des contrats avec les fournisseurs, nous leur retournons tous les produits ouverts. Mais il faut savoir que nous ne reprenons pas les utilitaires ». Erreur: la clause « satisfait ou remboursé » ne connaît aucune exception! Si le magasin refuse de vous rembourser, n’hésitez pas à pousser une gueulante (et à écrire au Virus)! Donc, pour en revenir à nos moutons, le service « satisfait ou remboursé » serait rendu par les constructeurs et les éditeurs, pas par le point de vente. Dans ce cas, pourquoi toutes les surfaces ne le proposent-elles pas? Pour le savoir, nous avons téléphoné à quelques fournisseurs.
Vu les relations qu’ils entretiennent avec la Fnac, le plus gros distributeur de produits multimédia en France, ils n’aimeraient pas se fâcher avec elle. L’anonymat sera de rigueur. Mais même son de cloche partout: « nous ne voulons pas entendre parler du service « satisfait ou remboursé ». Nous ne reprenons que les produits défectueux, ou invendus en fin de vie lorsque c’est stipulé dans notre contrat. De toute façon, toutes les enseignes sont équipées pour le cerclage ».

Tous équipés pourle cerclage!

Bref, le vendeur de la Fnac nous aurait menti, ou ignorait ce qui se tramait en coulisse. D’autant plus que les témoignages affluaient pendant ce temps, suite à notre appel. Celui-ci, d’un client qui a acheté un joystick, neuf sous emballage, mais qui s’est aperçu que la carte de garantie était déjà remplie - un mauvais « check ». Ou cet autre client qui a dû faire un scandale un samedi après-midi pour se faire rembourser son micro-ordinateur fraîchement acquis, neuf sous emballage scellé, au prix de 18 000 F. Motif? A la première utilisation de son micro, il s’était rendu compte que le disque dur de sa machine contenait déjà les répertoires, les fichiers et les documents d’un autre utilisateur… Le vendeur qui avait reconditionné la machine suite à un premier retour avait tout bêtement oublié de reformater le disque avant de tout bien ranger dans le carton. Inversement, nous avons trouvé des clients qui n’étaient pas gênés, lorsqu’ils s’en sont aperçus, d’avoir acheté un objet ayant déjà servi.
Des employés et ex-employés de la société nous confirmeront cette pratique, dans divers magasins de la chaîne. Les expériences sont peu ou prou les mêmes partout. De ceux qui ne peuvent parler, de peur de perdre leur job, mais laissent le client trouver par lui-même: « pourquoi croyez-vous qu’on fait si attention au moment de la reprise? Et, à votre avis, à quoi sert notre blisteuse? », à ceux qui, amusés par la situation, rajoutent « on peut emprunter 3 ou 4 logiciels par semaine, même les plus chers, genre Pack Office. Après usage, il suffit de les remballer et de les remettre en rayon. À un instant donné, ça en fait des produits en dehors du stock! », en passant par ceux qui ont quitté la société, plus enclins à parler: « à certaines périodes, après les fêtes notamment, je ne faisais que ça! ». Un autre conclura « tout ceci est évident. Comment pourrions-nous faire autrement? Le client devrait le savoir, le deviner. Le service « satisfait ou remboursé » le rassure et lui donne le droit à l’erreur? Eh bien, c’est le prix à payer! Et comme au final, les produits sont généralement bien reconditionnés et qu’ils ont l’air neuf, le client croit que c’est un autre qui va se laisser piéger et reste pour sa part heureux de son achat. » Et vous, le saviez-vous?


Que font les autres magasins?

Nous avons visité le magasin Carrefour de Pontault-Combault (Sei­­-ne-et-Marne), ­connu pour son rayon In­for­matique plus développé que dans les autres magasins de la chaîne. Nous avons interrogé le responsable sur le sort des produits retournés suite à l’offre « satisfait ou remboursé ». Réponse claire et nette: « ceux-ci sont remis en rayon, en l’état. Si quelqu’un en veut… » Et effectivement, nous avons vu des cartons visiblement ouverts, traîner avec les autres, dans les rayons. Difficile pour un client de ne pas comprendre que les produits ont été déjà déballés et utilisés. Moins d’hypocrisie que chez la Fnac donc. Néanmoins, une plus grande rigueur au niveau de l’information de la clientèle ne serait pas superflue. À noter que les machines déballées sont souvent proposées avec une ristourne de 5 %, en tant que produit d’exposition. Légère tromperie là encore, mais de bonnes affaires en perspective. Nous n’avons pas eu suffisamment de témoignages sur cette chaîne pour pouvoir nous prononcer plus.

Pire encore!

À part certains magasins pratiquant le « satisfait ou remboursé », nous n’avons eu que quelques échos ponctuels de « petits » revendeurs-assembleurs faisant passer du matériel d’occasion pour du neuf. En général, ce sont des sociétés qui proposent un système de mise à jour du matériel. Elles reprennent donc à leurs clients, moyennant remise, leur ancien matériel, pas trop démodé quand même, pour l’achat d’un nouveau matériel. Cet ancien matériel, démonté, est ensuite revendu, dès que possible, dans un PC au boîtier flambant neuf ! En effet, combien d’utilisateurs ont le réflexe d’ouvrir leur machine, et surtout savent détecter un microprocesseur, des mémoires et autres cartes déjà utilisés dans une vie antérieure? La mission est quasi impossible.


ET APRES ?
(encadré paru dans Virus HS3)

Cette information pa­rue dans Virus 7 en mai 1998 sera reprise par Libération et surtout Que Choisir qui poursuivra l’enquête. L’enseigne expliquera à nos confrères que les produits en bon état sont revendus, oui, mais avec ristourne. Un discours contredit immédiatement par de nombreux vendeurs. Concernant les produits abîmés, la Fnac explique qu’une filiale les écoule, mais refuse de dire le nom de cette filiale. De toute façon, les vendeurs rétorquent que le matériel abîmé n’est pas repris. Depuis, les conditions de l’offre « satisfait ou remboursé » ont changé: les logiciels et CD musicaux ne sont plus repris s’ils ont été ouverts. Les témoignages de victimes de la remballe existent toujours, mais au compte-gouttes.





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