La grande
distribution nous a
habitués à sa communication sur ses prix, ses
produits ou ses services. Mais s'il est un sujet sur lequel elle est
peu encline à communiquer, c'est bien celui de la
démarque inconnue et des moyens mis en œuvre pour
la combattre.
B.
Ne croyez pas qu’il soit impossible de voler dans un
supermarché. Depuis la création des grandes
surfaces dans les années 1960, la démarque
inconnue (différence entre le stock théorique
comptable et le stock réel existant à la
clôture de l'exercice) n'a cessé d'augmenter. En
France, le nombre de vols aurait ainsi doublé en dix ans et
la démarque inconnue augmenterait de 8 % par an (source
SIDEP) pour atteindre jusqu’à 4 % des ventes. Pour
l’année 1991, on a estimé que 2,7
milliards de francs de marchandises avaient été
subtilisés, ce qui représente tout de
même le chiffre d’affaires annuel de quatre
hypermarchés !
La démarque inconnue se décompose en fait en
trois catégories : le vol effectué par les
clients (environ 40 %), le vol effectué par le personnel
(environ 50 %) et la casse accidentelle et avarie de transport (environ
10 %). Les articles les plus volés sont, de
manière logique, les plus petits, les plus chers ou les plus
à la mode. Il n'est donc pas surprenant de trouver au
hit-parade des articles préférés des
voleurs : les cosmétiques, les parfums, les CD et cassettes
vidéos, les bijoux...
Les ripostes
La démarque inconnue est donc devenue une
préoccupation majeure de la grande distribution soucieuse de
maintenir ses marges, et plus globalement du commerce.
Différentes techniques plus ou moins
sophistiquées s'offrent à la grande distribution
qui ne manque pas de les utiliser de manière conjointe afin
d'associer prévention et système de protection.
Parmi les systèmes de protection basiques ont trouve les
miroirs de surveillance, les caméras factices ou
réelles, et les meubles vitrines fermées. D'un
coût financier plus important, qui fait que seul la grande
distribution ou les centres commerciaux sont en mesure de s'offrir
leurs services, les agents de surveillance ont une
efficacité moyenne pour de nombreux
désagréments.
Avez-vous le droit
d’être fouillé dans un magasin ?
Les opérations de fouille systématique
opérés par les vigiles du magasin lors de votre
passage en caisse ne sont pas autorisées.
L’article 73 du Code de procédure
pénale permet uniquement l’appréhension
des personnes prises en flagrant délit. De plus, cette
appréhension ne permet que de saisir physiquement le suspect
et de le conduire devant l’officier de police judiciaire le
plus proche. La détention ne doit permettre que
l’arrivée de l’officier
prévenu dans les plus brefs délais. Une
séquestration par le commerçant ou ses vigiles,
même quelques minutes, est illégale et passible de
deux à cinq ans de prison.
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Quant la lessive vient au secours
des voleurs !
Il y a quelques années, les barils de lessive rectangulaires
de 5 kg possédaient un fond épais à
rebords sous lequel il était possible de dissimuler divers
produits et notamment les plaques de saumon fumé qui
possédaient des dimensions similaires. De nombreuses
tranches de saumon fumé sont ainsi sorties incognito des
grandes surfaces ! Ne cherchez pas à reproduire ce vol. A la
demande de la grande distribution, les lessiviers ont depuis
modifié la forme des cartons de lessives...
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Le coup du double chariot
Ce type de vol nécessite le concours d’un
complice. Le principe est simple : plutôt que de prendre le
risque de se faire pincer en volant un seul article, autant prendre des
risques en volant un chariot complet. La technique consiste
à remplir deux chariots avec des produits totalement
identiques en nombre et références. Le premier
chariot est normalement passé en caisse et
réglé. Ce chariot est ensuite
déchargé dans une voiture, puis notre homme va
rejoindre son complice et le deuxième chariot. Il leurs
suffit alors de sortir le deuxième chariot par la sortie
« sans achat ». Immanquablement
interpellés par les vigiles, nos deux voleurs se
défendront en présentant le ticket de caisse
correspondant rigoureusement au contenu du chariot.
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Mais la méthode la plus répandue pour
protéger les articles est sans conteste le
système de portique électronique avec
étiquetage associé.
La protection électronique
Elle est assurée par les portiques que l'on trouve aux
entrées et sorties des petits et grands magasins et qui
déclenchent un signal sonore et lumineux lorsqu'un article
encore étiqueté traverse leur champ. Ces
portiques fonctionnent en fait avec différentes
technologies, que nous étudierons en détail, mais
qui reposent toutes sur la détection par les portiques - qui
sont en fait des antennes - d'une étiquette plastique
incluant un matériel particulier. Ces portiques peuvent
aussi être équipés d’une
antenne de sol enfermée dans une plaque de plastique sur
lequel vous marchez en traversant le portique. Cette antenne de sol est
plus particulièrement utilisée par les chausseurs
pour détecter les étiquettes de leurs chaussures
! Une antenne peut associer plusieurs technologie comme la
détection radio-fréquence et la technologie
magnétique. Cela permet de protéger par exemple
à la fois des textiles avec de grosses étiquettes
dures et les produits non perçables avec des
étiquettes autocollantes. Les technologies que
l’on rencontre les plus actuellement chez les
commerçants sont la technologie radio-fréquence
et la technologie électromagnétique.
La technologie radio-fréquence
La technologie : entre chaque couple de portique est émis
une onde dans des fréquences allant de 1,75 à 10
MHz. La fréquence la plus répandue est celle de
8,2 MHz, mais l’on rencontre aussi les fréquences
de 3,25 MHz, 5,5 MHz, 8,2 MHz et 10,7 MHz. L’avantage des
basses fréquences comme 1,55 ou 1,81 MHz est
d’être peu utilisées donc peu
perturbées par les systèmes environnants.
L’avantage du 8,2 MHz est d’être la
fréquence la plus répandue dans le monde donc
d’être disponible sur un grand nombre de support.
L’étiquette est constituée
d’un bobinage (cas des étiquettes dures) ou
d’un circuit imprimé (cas des
étiquettes autocollantes). Ce circuit conducteur agit comme
un amplificateur. L’un des portiques émet un
signal très faible, insuffisant pour être
détecté par l’autre. Lorsque
l’antivol passe entre les deux, il amplifie le signal qui
peut alors être capté par l’autre
portique.
Les avantages/inconvénients : si la technologie
radio-fréquence est la plus utilisée,
c’est qu’elle permet la détection
à travers les liquides, assure la protection des objets
métalliques si l'étiquette n'est pas directement
collée sur l'objet métallique et
n'interfère pas avec les appareils électroniques.
Sa seule restriction est de ne pas fonctionner lorsque
l’étiquette est directement collée sur
un objet métallique. Cette technologie fait même
l'objet d'une norme européenne (89/336/CEE) et est
distribuée par la majorité des grandes marques de
systèmes antivols.
La désactivation des étiquettes
radio-fréquence peut s’effectuer à
distance, par l’application d’un intense champ
magnétique, sans qu’il y ait contact entre
l’étiquette et le désactivateur.
Lorsqu’une désactivation systématique
est installée, elle peut être
intégrée dans le scanner dont se sert la
caissière pour lire les codes à barres. Ceci
offre, dans le cas des étiquettes
intégré au support, la possibilité
pour la caissière de passer directement l’objet
dans le champ du désactivateur (jusqu’à
une distance de 30 cm) sans connaître la localisation exacte
de l’étiquette antivol sur ou dans le produit. Ce
système présente pour le magasin le double
avantage de ne pas nuire à la productivité et de
permettre à la caissière et au client
d’ignorer ainsi l’emplacement exact de la
protection, augmentant ainsi l’efficacité de la
lutte contre le vol tant interne qu’en externe.
Comment les reconnaître : les étiquette radio
fréquence sont de formes et de tailles très
variées : rectangulaires, rondes, carrées, en
goutte d’eau, autocollantes, etc. Il existe même
des étiquettes radio-fréquence autocollante
dissimulée derrière un code à barres
factice ou bien encore pour un coût moindre, des
étiquettes imprimée d’un circuit
électronique factice, jouant ainsi sur l’effet de
dissuasion. L'étiquette est caractéristique car
composée d’un fil de cuivre enroulé en
spirale représentant le bobinage et d'un circuit
imprimé. Plus leur dimension est importante, meilleure est
leur détection. Une étiquette
radio-fréquence de 5 cm de côtés peut
être détectée par une antenne
située à 2 mètres.
La technologie
électromagnétique
La technologie : les antennes comportent un émetteur qui
crée un champ magnétique basse ou haute
fréquence. Les étiquettes intègrent
une bande métallique faite à partir
d’un alliage de métaux qui sature facilement
à une intensité magnétique
très basse. Cette propriété est rare
chez la plupart des matériaux. Soit ils ne sont pas
magnétiques du tout, soit ils saturent à des
résistances magnétiques beaucoup plus hautes. On
utilise donc cette propriété pour
détecter les bandes.
Puisque les bandes saturent facilement, leur détection est
aisée. Les deux antennes sont composées de deux
enroulements de fils placés parallèlement
l’un à l’autre, de sorte que
l’axe magnétique des enroulements soient
identiques. Un courant alternatif est appliqué dans
l’une des antennes ce qui induit une tension dans
l’autre. Le passage d’une étiquette dans
ce champ produira une perturbation dans sa forme. Les antennes,
pilotées par microprocesseurs afin de prendre en compte
l’environnement extérieur, ne se
déclenchent en alerte qu’au passage de
l’étiquette. Car la perturbation ainsi
provoquée est unique et un autre objet métallique
traversant le champ le perturbera d’une manière
différente, ne déclenchant pas l’alarme.
Les avantages/inconvénients : cette technique
possède cependant ses inconvénients, puisqu'elle
affecte les supports magnétiques comme les cassettes audio,
vidéo, disquettes ou les cartes de crédits, et
qu'elle ne fonctionne pas sur les articles métalliques. De
plus, la portée des antennes n’est au maximum que
de 90 cm. Le passage d’un objet à plus de cette
distance ne déclenchera donc pas l’alarme.
Comment la reconnaître : la barre magnétique
ressemble à un fil métallique d’environ
cinq centimètres de long enveloppé dans un film
plastique ou être dissimulé dans une
étiquette code à barres autocollante. Certaines
sont activables/désactivables (cas des étiquettes
collées sur les livres de bibliothèques,
désactivées en sortie,
réactivées lors du retour), d’autres
non.
Ne cherchez plus
l’étiquette !
La société EasyProtect propose depuis peu des
emballages en polystyrène expansé incorporant un
marqueur électromagnétique moulé dans
la masse lors de la fabrication de l’emballage. Ce marqueur
est composé d’un tréfilage de
différents composants métalliques sous la forme
de filaments d’un diamètre de 9/100° de
millimètres. Pour renforcer la
sécurité, l’emplacement du marqueur est
implanté de façon aléatoire. Aucun
indice ne permet de situer visuellement le marqueur pour le
neutraliser. Ce système est compatible avec les
systèmes de détection
électromagnétique existant.
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Une puce antivol
La société Ordicam a récemment mis au
point un système de traçabilité des
objets précieux par l’adjonction à
ceux-ci d’une étiquette électronique.
Reliée à une bobine de cuivre, la puce contient
un code de 40 bits correspondant à un code identifiant de 32
bits associé à un code client de 8 bits
gravés en elle lors de sa fabrication. Dès que la
puce passe dans le champ du système de lecture, la bobine du
lecteur induit un courant dans la bobine de la puce lui permettant
ainsi d’émettre son code. Ce dernier est alors
capté par l’antenne du lecteur puis
traité par le lecteur. Le module puce plus bobine peut
être noyé dans n’importe quelle
substance (ABS, verre, epoxy, etc.). Un module a même
été développé pour
être intégré dans le métal,
la distance de lecture tombant alors à quelques
centimètres. Cette technique semble intéresser
les assureurs qui voient ainsi la possibilité de restituer
de manière certaine à leur
propriétaire les biens retrouvés après
des cambriolages.
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Ces
technologies sont celles que l’on rencontre dans la grande
distribution, mais ce ne sont pas pour autant les seules. Il en existe
quelques autres.
La technologie magnéto-acoustique
La technologie : les antennes créent un champ
magnétique. Les étiquettes associées
à cette technologie sont composées de deux
lamelles ferromagnétiques qui se mettent alors à
vibrer lors de leur passage dans le champ magnétique.
Les avantages/inconvénients : Cette technologie
présente l’avantage de permettre la
réalisation d’étiquettes de
très petites tailles (jusqu’à une
dizaine de millimètres). La désactivation
présente l'inconvénient d'altérer la
qualité des enregistrements sur cassettes mais, surtout, une
pression des doigts sur l’étiquette plastique
annule sa vibration et par conséquent sa
détection !
Comment la reconnaître : à la petite taille des
étiquettes ! Cette petite taille fait qu’elle est
souvent retenue pour la protection des produits fragiles comme les
lunettes ou les objets de petite taille comme les briquets ou produits
de beauté. Cette technologie est parfois
utilisées par les commerçants.
La technologie hyper fréquence
La technologie : les portiques émettent un signal qui est
perturbé lorsqu'une étiquette composée
d'une diode et d'une antenne en aluminium le traverse, l'antenne
renvoyant alors en écho le signal émis par
l'antenne.
Les avantages/inconvénients : cette technologie
permet de grands écartements de portiques (environ 2,5
mètres), ce qui permet de mieux les dissimuler - par exemple
dans les plafonds - et d'augmenter leur efficacité.
Cependant cette technologie ne fonctionne ni à travers des
liquides, ni à travers les métaux, ni
à travers le corps humain. Il suffit donc de plaquer
l'étiquette contre son corps pour en annuler l'effet. Il est
aussi possible de simuler de fausses alarmes à l'aide de
certaines montres électroniques, calculatrice,
téléphones portables, etc.
La technologie de la magnétisation
dans la masse
La technologie : cette technologie ne fonctionne que sur les articles
ferreux. Elle consiste à magnétiser l'article en
le passant dans un four pour provoquer une saturation
magnétique des éléments ferreux le
constituant. Le passage d’un tel article entre deux portiques
perturbera le champ induit.
Les avantages/inconvénients : là encore, de
nombreuse fausses alarmes peuvent être
déclenchées par tous les objets comportant une
source magnétique. Il s'agit d'une technique qui n'est pas
utilisée dans la grande distribution.
Les étiquettes émettrices
à
très basse fréquence
La technologie : il s'agit d'étiquettes contenant un
émetteur/récepteur fonctionnant à
piles. L'accès du magasin doit alors être
protégé par un « écran total
».
Les avantages/inconvénients : il s'agit là encore
d'un système peu usité car les
étiquettes coûtent chères, sont lourdes
et ont une durée de vie limitée à
celle de fonctionnement de la pile.
Les étiquettes sonores
La technologie : ces étiquettes sont
équipées de sonnettes internes qui se
déclenchent au passage des portes ou à chaque
tentative de neutralisation. Ce système est lui aussi peu
répandu à cause des mêmes
inconvénients que le précédent.
Le coût
En France, les systèmes électroniques de
protection représentent environ 5 % de l'investissement
d'une grande surface, ce qui est relativement faible par rapport aux 15
% représentés par l’investissement en
mobilier. En France, en 1991, 1,7 milliards de francs ont
été dédiés à la
prévention dans la grande distribution. Des
études montrent qu'un magasin dépensant 0,5 % de
son chiffre d'affaires en équipement de
sécurité voit sa démarque inconnue
chuter de 70 %.
Tous ces systèmes, aussi puissants soient-ils, ne permettent
cependant pas d’endiguer un autre type de démarque
inconnue aussi incontrôlable qu’importante : la
consommation sur place des produits alimentaires ! De nombreux
consommateurs se livrent, en effet, librement et de manière
ostensible à ce vol, d’autant plus
qu’ils n’ont souvent pas l’impression de
voler mais de goûter le produit.
Mise à jour 2008 :
Les étiquettes RFID se sont
démocratisées depuis.
Les points faibles des
étiquettes
L'étiquette peut être directement
collée sur l'article, fixée à l'aide
d'un collier ou être composée de deux parties :
l'étiquette elle-même et un clou qui traverse
l'objet (textile en général) et qui s'enfiche
dans l'étiquette.
Le premier point sensible de l'étiquette est sa technologie
embarquée (bobine, composants électroniques,
etc.). Afin d'éviter son broyage par un quelconque objet, la
partie contenant le matériel électrique ou
électronique est de forme arrondie afin de donner le moins
de prise possible à une pince.
L'autre point sensible de l'étiquette est sa fixation. Dans
le cas du clou, il est assez aisé de se munir d'une pince
coupante et de couper le clou libérant ainsi
l'étiquette de son support. Pour lutter contre ce
phénomène, certains fabricants proposent un clou
en plastique dont la tête est creuse et contient de l'encre
indélébile sous pression. En cas de
détérioration du clou, celui-ci libère
son encre sur le support (lui enlevant ainsi définitivement
sa valeur), mais aussi sur les mains du voleur. La capsule
d’encre est transparente pour permettre la
visibilité de l’encre. Cette parade n'est bien sur
efficace que pour les articles textiles. Cette encre ne gèle
qu’à -120°C, ce qui rend impossible son
arrachage après passage au congélateur !
Un autre point faible de ce système
d’étiquetage est le système
magnétique de dégrafage qui permet à
la caissière d’ôter le clou. En effet,
le clou est solidarisé à
l’étiquette par des billes métalliques
qui, en appuyant fortement sur le clou, l’emprisonne. Le
système de dégrafage n’est en fait
qu’un puissant aimant qui attire les billes à
l’opposé du clou, libérant ce dernier.
Sur les étiquettes standards, il est parfois possible de
dégager le clou de l’étiquette
à l’aide d’aimants de forte puissance.
C’est pourquoi les fabricants rivalisent
d’ingéniosité pour sortir des
mécanismes particulièrement puissants qui
résistent au champ magnétique des aimants.
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