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Paru dans Pirates Magazine n°8
2000-09-01 00:00

Magasins : les secrets des antivols


La grande distribution nous a habitués à sa communication sur ses prix, ses produits ou ses services. Mais s'il est un sujet sur lequel elle est peu encline à communiquer, c'est bien celui de la démarque inconnue et des moyens mis en œuvre pour la combattre.
B.

Ne croyez pas qu’il soit impossible de voler dans un supermarché. Depuis la création des grandes surfaces dans les années 1960, la démarque inconnue (différence entre le stock théorique comptable et le stock réel existant à la clôture de l'exercice) n'a cessé d'augmenter. En France, le nombre de vols aurait ainsi doublé en dix ans et la démarque inconnue augmenterait de 8 % par an (source SIDEP) pour atteindre jusqu’à 4 % des ventes. Pour l’année 1991, on a estimé que 2,7 milliards de francs de marchandises avaient été subtilisés, ce qui représente tout de même le chiffre d’affaires annuel de quatre hypermarchés !

La démarque inconnue se décompose en fait en trois catégories : le vol effectué par les clients (environ 40 %), le vol effectué par le personnel (environ 50 %) et la casse accidentelle et avarie de transport (environ 10 %). Les articles les plus volés sont, de manière logique, les plus petits, les plus chers ou les plus à la mode. Il n'est donc pas surprenant de trouver au hit-parade des articles préférés des voleurs : les cosmétiques, les parfums, les CD et cassettes vidéos, les bijoux...

Les ripostes

La démarque inconnue est donc devenue une préoccupation majeure de la grande distribution soucieuse de maintenir ses marges, et plus globalement du commerce. Différentes techniques plus ou moins sophistiquées s'offrent à la grande distribution qui ne manque pas de les utiliser de manière conjointe afin d'associer prévention et système de protection.

Parmi les systèmes de protection basiques ont trouve les miroirs de surveillance, les caméras factices ou réelles, et les meubles vitrines fermées. D'un coût financier plus important, qui fait que seul la grande distribution ou les centres commerciaux sont en mesure de s'offrir leurs services, les agents de surveillance ont une efficacité moyenne pour de nombreux désagréments.

Avez-vous le droit d’être fouillé dans un magasin ?

Les opérations de fouille systématique opérés par les vigiles du magasin lors de votre passage en caisse ne sont pas autorisées. L’article 73 du Code de procédure pénale permet uniquement l’appréhension des personnes prises en flagrant délit. De plus, cette appréhension ne permet que de saisir physiquement le suspect et de le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche. La détention ne doit permettre que l’arrivée de l’officier prévenu dans les plus brefs délais. Une séquestration par le commerçant ou ses vigiles, même quelques minutes, est illégale et passible de deux à cinq ans de prison.

Quant la lessive vient au secours des voleurs !

Il y a quelques années, les barils de lessive rectangulaires de 5 kg possédaient un fond épais à rebords sous lequel il était possible de dissimuler divers produits et notamment les plaques de saumon fumé qui possédaient des dimensions similaires. De nombreuses tranches de saumon fumé sont ainsi sorties incognito des grandes surfaces ! Ne cherchez pas à reproduire ce vol. A la demande de la grande distribution, les lessiviers ont depuis modifié la forme des cartons de lessives...

Le coup du double chariot

Ce type de vol nécessite le concours d’un complice. Le principe est simple : plutôt que de prendre le risque de se faire pincer en volant un seul article, autant prendre des risques en volant un chariot complet. La technique consiste à remplir deux chariots avec des produits totalement identiques en nombre et références. Le premier chariot est normalement passé en caisse et réglé. Ce chariot est ensuite déchargé dans une voiture, puis notre homme va rejoindre son complice et le deuxième chariot. Il leurs suffit alors de sortir le deuxième chariot par la sortie « sans achat ». Immanquablement interpellés par les vigiles, nos deux voleurs se défendront en présentant le ticket de caisse correspondant rigoureusement au contenu du chariot.

Mais la méthode la plus répandue pour protéger les articles est sans conteste le système de portique électronique avec étiquetage associé.

La protection électronique

Elle est assurée par les portiques que l'on trouve aux entrées et sorties des petits et grands magasins et qui déclenchent un signal sonore et lumineux lorsqu'un article encore étiqueté traverse leur champ. Ces portiques fonctionnent en fait avec différentes technologies, que nous étudierons en détail, mais qui reposent toutes sur la détection par les portiques - qui sont en fait des antennes - d'une étiquette plastique incluant un matériel particulier. Ces portiques peuvent aussi être équipés d’une antenne de sol enfermée dans une plaque de plastique sur lequel vous marchez en traversant le portique. Cette antenne de sol est plus particulièrement utilisée par les chausseurs pour détecter les étiquettes de leurs chaussures ! Une antenne peut associer plusieurs technologie comme la détection radio-fréquence et la technologie magnétique. Cela permet de protéger par exemple à la fois des textiles avec de grosses étiquettes dures et les produits non perçables avec des étiquettes autocollantes. Les technologies que l’on rencontre les plus actuellement chez les commerçants sont la technologie radio-fréquence et la technologie électromagnétique.

La technologie radio-fréquence

La technologie : entre chaque couple de portique est émis une onde dans des fréquences allant de 1,75 à 10 MHz. La fréquence la plus répandue est celle de 8,2 MHz, mais l’on rencontre aussi les fréquences de 3,25 MHz, 5,5 MHz, 8,2 MHz et 10,7 MHz. L’avantage des basses fréquences comme 1,55 ou 1,81 MHz est d’être peu utilisées donc peu perturbées par les systèmes environnants. L’avantage du 8,2 MHz est d’être la fréquence la plus répandue dans le monde donc d’être disponible sur un grand nombre de support.

L’étiquette est constituée d’un bobinage (cas des étiquettes dures) ou d’un circuit imprimé (cas des étiquettes autocollantes). Ce circuit conducteur agit comme un amplificateur. L’un des portiques émet un signal très faible, insuffisant pour être détecté par l’autre. Lorsque l’antivol passe entre les deux, il amplifie le signal qui peut alors être capté par l’autre portique.

Les avantages/inconvénients : si la technologie radio-fréquence est la plus utilisée, c’est qu’elle permet la détection à travers les liquides, assure la protection des objets métalliques si l'étiquette n'est pas directement collée sur l'objet métallique et n'interfère pas avec les appareils électroniques. Sa seule restriction est de ne pas fonctionner lorsque l’étiquette est directement collée sur un objet métallique. Cette technologie fait même l'objet d'une norme européenne (89/336/CEE) et est distribuée par la majorité des grandes marques de systèmes antivols.

La désactivation des étiquettes radio-fréquence peut s’effectuer à distance, par l’application d’un intense champ magnétique, sans qu’il y ait contact entre l’étiquette et le désactivateur. Lorsqu’une désactivation systématique est installée, elle peut être intégrée dans le scanner dont se sert la caissière pour lire les codes à barres. Ceci offre, dans le cas des étiquettes intégré au support, la possibilité pour la caissière de passer directement l’objet dans le champ du désactivateur (jusqu’à une distance de 30 cm) sans connaître la localisation exacte de l’étiquette antivol sur ou dans le produit. Ce système présente pour le magasin le double avantage de ne pas nuire à la productivité et de permettre à la caissière et au client d’ignorer ainsi l’emplacement exact de la protection, augmentant ainsi l’efficacité de la lutte contre le vol tant interne qu’en externe.

Comment les reconnaître : les étiquette radio fréquence sont de formes et de tailles très variées : rectangulaires, rondes, carrées, en goutte d’eau, autocollantes, etc. Il existe même des étiquettes radio-fréquence autocollante dissimulée derrière un code à barres factice ou bien encore pour un coût moindre, des étiquettes imprimée d’un circuit électronique factice, jouant ainsi sur l’effet de dissuasion. L'étiquette est caractéristique car composée d’un fil de cuivre enroulé en spirale représentant le bobinage et d'un circuit imprimé. Plus leur dimension est importante, meilleure est leur détection. Une étiquette radio-fréquence de 5 cm de côtés peut être détectée par une antenne située à 2 mètres.

La technologie électromagnétique

La technologie : les antennes comportent un émetteur qui crée un champ magnétique basse ou haute fréquence. Les étiquettes intègrent une bande métallique faite à partir d’un alliage de métaux qui sature facilement à une intensité magnétique très basse. Cette propriété est rare chez la plupart des matériaux. Soit ils ne sont pas magnétiques du tout, soit ils saturent à des résistances magnétiques beaucoup plus hautes. On utilise donc cette propriété pour détecter les bandes.

Puisque les bandes saturent facilement, leur détection est aisée. Les deux antennes sont composées de deux enroulements de fils placés parallèlement l’un à l’autre, de sorte que l’axe magnétique des enroulements soient identiques. Un courant alternatif est appliqué dans l’une des antennes ce qui induit une tension dans l’autre. Le passage d’une étiquette dans ce champ produira une perturbation dans sa forme. Les antennes, pilotées par microprocesseurs afin de prendre en compte l’environnement extérieur, ne se déclenchent en alerte qu’au passage de l’étiquette. Car la perturbation ainsi provoquée est unique et un autre objet métallique traversant le champ le perturbera d’une manière différente, ne déclenchant pas l’alarme.

Les avantages/inconvénients : cette technique possède cependant ses inconvénients, puisqu'elle affecte les supports magnétiques comme les cassettes audio, vidéo, disquettes ou les cartes de crédits, et qu'elle ne fonctionne pas sur les articles métalliques. De plus, la portée des antennes n’est au maximum que de 90 cm. Le passage d’un objet à plus de cette distance ne déclenchera donc pas l’alarme.

Comment la reconnaître : la barre magnétique ressemble à un fil métallique d’environ cinq centimètres de long enveloppé dans un film plastique ou être dissimulé dans une étiquette code à barres autocollante. Certaines sont activables/désactivables (cas des étiquettes collées sur les livres de bibliothèques, désactivées en sortie, réactivées lors du retour), d’autres non.

Ne cherchez plus l’étiquette !

La société EasyProtect propose depuis peu des emballages en polystyrène expansé incorporant un marqueur électromagnétique moulé dans la masse lors de la fabrication de l’emballage. Ce marqueur est composé d’un tréfilage de différents composants métalliques sous la forme de filaments d’un diamètre de 9/100° de millimètres. Pour renforcer la sécurité, l’emplacement du marqueur est implanté de façon aléatoire. Aucun indice ne permet de situer visuellement le marqueur pour le neutraliser. Ce système est compatible avec les systèmes de détection électromagnétique existant.

Une puce antivol

La société Ordicam a récemment mis au point un système de traçabilité des objets précieux par l’adjonction à ceux-ci d’une étiquette électronique. Reliée à une bobine de cuivre, la puce contient un code de 40 bits correspondant à un code identifiant de 32 bits associé à un code client de 8 bits gravés en elle lors de sa fabrication. Dès que la puce passe dans le champ du système de lecture, la bobine du lecteur induit un courant dans la bobine de la puce lui permettant ainsi d’émettre son code. Ce dernier est alors capté par l’antenne du lecteur puis traité par le lecteur. Le module puce plus bobine peut être noyé dans n’importe quelle substance (ABS, verre, epoxy, etc.). Un module a même été développé pour être intégré dans le métal, la distance de lecture tombant alors à quelques centimètres. Cette technique semble intéresser les assureurs qui voient ainsi la possibilité de restituer de manière certaine à leur propriétaire les biens retrouvés après des cambriolages.

Ces technologies sont celles que l’on rencontre dans la grande distribution, mais ce ne sont pas pour autant les seules. Il en existe quelques autres.

La technologie magnéto-acoustique

La technologie : les antennes créent un champ magnétique. Les étiquettes associées à cette technologie sont composées de deux lamelles ferromagnétiques qui se mettent alors à vibrer lors de leur passage dans le champ magnétique.

Les avantages/inconvénients : Cette technologie présente l’avantage de permettre la réalisation d’étiquettes de très petites tailles (jusqu’à une dizaine de millimètres). La désactivation présente l'inconvénient d'altérer la qualité des enregistrements sur cassettes mais, surtout, une pression des doigts sur l’étiquette plastique annule sa vibration et par conséquent sa détection !

Comment la reconnaître : à la petite taille des étiquettes ! Cette petite taille fait qu’elle est souvent retenue pour la protection des produits fragiles comme les lunettes ou les objets de petite taille comme les briquets ou produits de beauté. Cette technologie est parfois utilisées par les commerçants.

La technologie hyper fréquence

La technologie : les portiques émettent un signal qui est perturbé lorsqu'une étiquette composée d'une diode et d'une antenne en aluminium le traverse, l'antenne renvoyant alors en écho le signal émis par l'antenne.

Les avantages/inconvénients : cette technologie permet de grands écartements de portiques (environ 2,5 mètres), ce qui permet de mieux les dissimuler - par exemple dans les plafonds - et d'augmenter leur efficacité. Cependant cette technologie ne fonctionne ni à travers des liquides, ni à travers les métaux, ni à travers le corps humain. Il suffit donc de plaquer l'étiquette contre son corps pour en annuler l'effet. Il est aussi possible de simuler de fausses alarmes à l'aide de certaines montres électroniques, calculatrice, téléphones portables, etc.

La technologie de la magnétisation dans la masse

La technologie : cette technologie ne fonctionne que sur les articles ferreux. Elle consiste à magnétiser l'article en le passant dans un four pour provoquer une saturation magnétique des éléments ferreux le constituant. Le passage d’un tel article entre deux portiques perturbera le champ induit.

Les avantages/inconvénients : là encore, de nombreuse fausses alarmes peuvent être déclenchées par tous les objets comportant une source magnétique. Il s'agit d'une technique qui n'est pas utilisée dans la grande distribution.

Les étiquettes émettrices à très basse fréquence

La technologie : il s'agit d'étiquettes contenant un émetteur/récepteur fonctionnant à piles. L'accès du magasin doit alors être protégé par un « écran total ».

Les avantages/inconvénients : il s'agit là encore d'un système peu usité car les étiquettes coûtent chères, sont lourdes et ont une durée de vie limitée à celle de fonctionnement de la pile.

Les étiquettes sonores

La technologie : ces étiquettes sont équipées de sonnettes internes qui se déclenchent au passage des portes ou à chaque tentative de neutralisation. Ce système est lui aussi peu répandu à cause des mêmes inconvénients que le précédent.

Le coût

En France, les systèmes électroniques de protection représentent environ 5 % de l'investissement d'une grande surface, ce qui est relativement faible par rapport aux 15 % représentés par l’investissement en mobilier. En France, en 1991, 1,7 milliards de francs ont été dédiés à la prévention dans la grande distribution. Des études montrent qu'un magasin dépensant 0,5 % de son chiffre d'affaires en équipement de sécurité voit sa démarque inconnue chuter de 70 %.

Tous ces systèmes, aussi puissants soient-ils, ne permettent cependant pas d’endiguer un autre type de démarque inconnue aussi incontrôlable qu’importante : la consommation sur place des produits alimentaires ! De nombreux consommateurs se livrent, en effet, librement et de manière ostensible à ce vol, d’autant plus qu’ils n’ont souvent pas l’impression de voler mais de goûter le produit.

Mise à jour 2008 :
Les étiquettes RFID se sont démocratisées depuis.

Les points faibles des étiquettes

L'étiquette peut être directement collée sur l'article, fixée à l'aide d'un collier ou être composée de deux parties : l'étiquette elle-même et un clou qui traverse l'objet (textile en général) et qui s'enfiche dans l'étiquette.

Le premier point sensible de l'étiquette est sa technologie embarquée (bobine, composants électroniques, etc.). Afin d'éviter son broyage par un quelconque objet, la partie contenant le matériel électrique ou électronique est de forme arrondie afin de donner le moins de prise possible à une pince.

L'autre point sensible de l'étiquette est sa fixation. Dans le cas du clou, il est assez aisé de se munir d'une pince coupante et de couper le clou libérant ainsi l'étiquette de son support. Pour lutter contre ce phénomène, certains fabricants proposent un clou en plastique dont la tête est creuse et contient de l'encre indélébile sous pression. En cas de détérioration du clou, celui-ci libère son encre sur le support (lui enlevant ainsi définitivement sa valeur), mais aussi sur les mains du voleur. La capsule d’encre est transparente pour permettre la visibilité de l’encre. Cette parade n'est bien sur efficace que pour les articles textiles. Cette encre ne gèle qu’à -120°C, ce qui rend impossible son arrachage après passage au congélateur !

Un autre point faible de ce système d’étiquetage est le système magnétique de dégrafage qui permet à la caissière d’ôter le clou. En effet, le clou est solidarisé à l’étiquette par des billes métalliques qui, en appuyant fortement sur le clou, l’emprisonne. Le système de dégrafage n’est en fait qu’un puissant aimant qui attire les billes à l’opposé du clou, libérant ce dernier.

Sur les étiquettes standards, il est parfois possible de dégager le clou de l’étiquette à l’aide d’aimants de forte puissance. C’est pourquoi les fabricants rivalisent d’ingéniosité pour sortir des mécanismes particulièrement puissants qui résistent au champ magnétique des aimants.

Boubou

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