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Paru dans Pirates Magazine n°8
2000-09-01 00:00

Échapper aux impôts : la théorie du « voyageur permanent »


Dans Pirates Mag’ 6, nous avons vu comment il est possible de créer une société dans un paradis fiscal pour échapper aux impôts. Bien sûr, votre pays a prévu tout un arsenal juridique contre celui qui voudrait lui échapper de cette façon. Alors pour ne pas finir derrière les barreaux, il existe une autre méthode.

Comble de bonheur, cette méthode fonctionne aussi pour ceux qui veulent éviter de passer un séjour dans l’armée (surtout si elle participe à un conflit avec lequel ils sont en désaccord), participer à un jury populaire, etc. Mais revenons à l’aspect purement économique.
A la création d’une société en France par exemple, il faudra payer des droits d’enregistrement et d’autres frais divers obligatoires. Puis les ventes et prestations seront soumises à une TVA (généralement 19,6 %). Le créateur devra également payer l’impôt sur les sociétés de 33 % des bénéfices (+ 10 % de ces 33 % à titre temporaire, un temporaire qui dure depuis des années...), l’impôt forfaitaire annuel en fonction du chiffre d’affaires (même si la société est en pertes !), la taxe professionnelle, etc. Une fois que le créateur se verse des dividendes, ceux-ci sont soumis à l’impôt sur le revenu soit jusqu’à plus de 50 % encore. Si le créateur souhaite se payer en salaire plutôt, il devra à la place verser en cotisations sociales environ 70 % du salaire net qu’il souhaite percevoir. Le jour où il voudra fermer sa société, il devra payer à nouveau des droits d’enregistrement ainsi que d’autres frais divers obligatoires. Et on ne vous parle pas des fonctionnaires qui s’acharneront à vous mettre les bâtons dans les roues encore et encore, même si vous respectez la loi... Face à un tel régime confiscatoire qui écrase le citoyen honnête, il est logique que certains cherchent à sortir du système, tout en restant dans la légalité.

La théorie des cinq drapeaux
A moins d’être né dans un pays à l’état civil embryonnaire (certains pays d’Afrique noire ne recensent pas les naissances, mais en contrepartie obtenir un passeport pour sortir de ces pays est difficile...), vous êtes fichés depuis le jour de votre naissance, et le serez jusqu’à la fin de votre vie (et même après...). Pour gagner en « invisibilité », il va falloir suivre l’adage selon lequel il ne faut pas avoir tous ses oeufs dans le même panier, c’est-à-dire se débrouiller pour :
- avoir la nationalité et le passeport d’un pays qui ne taxe pas ses citoyens sur les gains réalisés à l’étranger.
- vivre dans un paradis fiscal de personnes (Monaco sauf pour les Français, Andorre, Campione...), ou devenir « touriste permanent ».
- gagner de l’argent dans un paradis fiscal de sociétés (certains états des USA comme le Delaware, par exemple).
- conserver son capital dans un ou plusieurs pays sûrs et bénéficiant du secret bancaire (la Suisse, le Liechtenstein...).
- dépenser son argent dans un ou plusieurs autres pays, généralement des pays où les prix et/ou la TVA sont bas.
Bref, ne soyez plus victimes de la mondialisation, devenez citoyen du monde ! Revenons sur les trois premiers points, les plus importants, pour quelques précisions.

Obtenir un second passeport
Le passeport américain est considéré comme « le plus cher du monde ». Beaucoup rêvent, en effet, de l’avoir coûte que coûte. Mais on peut voir l’expression « le plus cher du monde » sous un autre angle : les Américains sont taxés pour tous leurs gains réalisés où que cela soit dans le monde. Et comme, à moins d’un accord, les autres pays taxent aussi ces gains, on arrive à des cas de double-imposition. Seule solution pour ces Américains : avoir une seconde nationalité. Notons que pour les citoyens d’autres pays, une seconde nationalité (voire plus) est aussi un avantage, nous y reviendrons.
Pour obtenir une seconde nationalité, il existe plusieurs méthodes :
- trouver dans son arbre généalogique un ancêtre ayant une nationalité qui se transmet par le sang et se lancer dans une procédure administrative plus ou moins longue selon les cas (attention, vos ancêtres ne devront pas avoir abandonné la nationalité en question). Par analogie, rappelons qu’Israël accorde sa nationalité à tous les juifs qui souhaitent bénéficier de la « loi du retour » (aucune obligation de rester dans le pays ensuite bien sûr...). Remarque valant aussi pour les nouveaux convertis.
- se marier avec une personne étrangère et se lancer, là encore, dans une procédure administrative plus ou moins longue.
- s’installer dans un pays qui accorde sa nationalité après une période de résidence pas trop longue (3 ans au Canada, par exemple).
- être champion de sport, artiste ou scientifique de renommée mondiale. De nombreux pays seront fiers de vous accorder leur nationalité.
- investir dans un pays qui propose des « programmes économiques », c’est-à-dire sa nationalité en échange d’une (grosse) somme d’argent.
Attention, certains pays exigent que vous abandonniez votre nationalité actuelle si vous voulez la leur. Ce qui n’est pas du tout le but cherché ici !

Résidence, attention à la durée !
Souvent les états traitent avec plus d’égard les touristes que leurs propres citoyens. Logique, les touristes sont considérés comme une source d’argent qui pourrait très bien aller dépenser ailleurs, alors que les citoyens resteront plus probablement sur place quoiqu’il arrive. En fonction des accords entre pays, il est souvent possible d’avoir un visa touristique de trois mois sans aucune formalité, simplement en passant la frontière. Au bout de 90 jours, il suffit d’aller à la frontière la plus proche, de passer une journée dans un autre pays et de revenir pour avoir à nouveau le tampon d’un visa de trois mois. Ce voyager aller-retour peut vous sembler une dépense inutile, mais vous pouvez aussi le voir comme une escapade d’un week-end pour vous changer les idées... Attention, certains pays exigent que vous restiez trois mois en dehors de leurs frontières avant d’y revenir. Il faudra donc alterner votre « résidence » entre deux pays. Pour rester dans le même pays malgré une telle limitation, certains alternent entre deux passeports, généralement cela fonctionne bien, mais c’est illégal !
Bien sûr, vous pourrez aussi revenir dans votre propre pays. En tant que simple touriste cette fois, vous ne serez plus soumis aux impôts. Attention, en France par exemple, il ne faut pas rester plus de 183 jours par an pour obtenir le statut de non-résident. Toutefois, à défaut, l’administration cherchera à prouver que vous y avez des attaches familiales (conjoint et enfants) ou le centre de vos intérêts financiers. Un bien immobilier peut lui suffire, alors veillez à vraiment couper le cordon ombilical... Plus restrictif encore, les États-Unis considèrent les non-Américains comme résidents imposables au-delà de seulement 122 jours par an !

Travailler à distance
A partir du moment où vous êtes salariés, vous faites partie du « système ». Il vous faut donc une activité indépendante, réalisable à distance depuis n’importe où dans le monde, sans établissement stable. Par exemple, une lettre d’information électronique de haut de gamme (le genre qu’on est disposé à payer pour recevoir...), des prestations de service (conseil, traduction, intermédiaire commercial...), etc. A partir de là, tout l’argent que vous gagnerez sera pour vous et ne sera plus amputé jusqu’à 80 % !
Contrepartie : vous ne pourrez plus profiter de la sécurité sociale nationale, de l’école gratuite pour les enfants, etc. Il vous faudra aller dans le privé ! On peut trouver une assurance maladie avec des remboursements équivalents pour moins de 100 euros par mois et par personne. Cela peut paraître beaucoup, mais si vous avez un revenu important, c’est beaucoup moins que ce qui serait prélevé sur un salaire équivalent. Et si la sécurité sociale nationale traite ses assurés souvent sans égard (délais de remboursement à rallonge...) puisque après tout ils n’ont pas le choix, une assurance privée fera de son mieux afin que vous n’alliez pas chez un concurrent. De même, pourquoi cotiser pour un système de retraite qui va s’effondrer ?

Et la solidarité dans tout ça ?
Des esprits chagrins nous feront remarquer qu’avec une telle philosophie, on ne fait preuve d’aucune solidarité. Nous leur répondrons que nous ne sommes pas là pour payer les hommes politiques qui en partie piquent dans la caisse, les chômeurs qui en partie préfèrent rester chez eux et toucher des allocations plutôt que d’aller travailler, les fonctionnaires au fort taux d’absentéisme et qui en partie travaillent au ralenti ou mal quand ils sont à leur poste... Et puis, par le biais de la TVA, le « touriste permanent » participe quand même à la solidarité nationale des pays dans lesquels il voyage. D’ailleurs, beaucoup de ceux qui ont choisi cette façon de vivre l’ont fait dans des pays moins développés (avec un niveau de vie personnel supérieur à celui qu’ils avaient dans leur pays d’origine), où leur argent est plus utile. Aussi, il serait généreux de votre part de reverser, spontanément, 10 % (au moins...) de vos bénéfices à des personnes vraiment dans le besoin. Dernière remarque : le but n’est pas de faire n’importe quoi, restez discret, respectez la loi de chacun des pays avec lesquels vous avez des relations : ne traversez même pas quand le feu est rouge pour les piétons !

Interdit bancaire ?

Vous êtes interdit bancaire en France ? Pas grave, vous pourrez quand même ouvrir un compte à l’étranger et utiliser vos fonds en France grâce à votre carte de paiement internationale. Mais il est peu probable que votre banque étrangère vous prête de l’argent.

Attention, arnaque !

Que ce soit pour obtenir un second passeport, ouvrir une société ou un compte bancaire offshore, on voit souvent des publicités dans la presse ou sur Internet. Attention aux intermédiaires peu scrupuleux qui partiront avec votre argent sans rien faire en échange (lire Virus 13) ! Préférez les contacts directs avec les administrations étrangères et des banques réputées.




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