Le
magazine PC Jeux vient de licencier un de
ses journalistes avant même la parution du numéro un.
Motif ? Des éditeurs de logiciels auraient menacé de
retirer leurs publicités si la collaboration de ce
rédacteur, connu pour son franc-parler, était maintenue.
En exclusivité pour Virus, des extraits de ses
articles « compromettants ».
Francis Rozange*, journaliste pigiste** est engagé par
Imré Antal, rédacteur en chef de
CD-Rom Magazine
et
PC Jeux, pour le lancement de la formule française
de
PC Gamers. Il sera en charge de la rubrique
actualité (16 pages), et à l'occasion, on lui confiera
également un test de trois pages (
Dungeon Keeper).
Devant les caméras de l'émission
Net Plus Ultra
(La Cinquième) du 4 juin dernier, M. Antal
déclare avoir recruté cet élément pour
son franc-parler et son indépendance vis à vis des
éditeurs de jeux vidéo. Il s’est en effet fait
connaître notamment grâce à son site internet
la Cyber Factory.
Pour
anecdote, Ubi Soft l’aurait même menacé de procès
suite à un article dans lesquels il racontait ses
mésaventures pour obtenir les logiciels en prêt pour ses
tests.
Les 19 pages sont maquettées et apparemment envoyées
à l’imprimeur. Le pigiste est même appelé pour des
tâches qui sortent du cadre légale de son
« contrat ». Il s’exécute et passe un
certain nombre de soirées et de dimanches à la
rédaction. Coup de théâtre le lendemain de
l’émission télé, le rédacteur en chef lui
déclare au téléphone que certains éditeurs
de logiciels ont pris peur : ils menacent de retirer leurs
annonces publicitaires - et donc une manne financière importante
pour le magazine. M. Rozange est sacrifié. Mais Edicorp,
société qui édite
PC Jeux, refuserait de
payer les pages commandées et livrées.
Objectivité d’un
côté. Préjugés de l’autre.
Voici quelques extraits des pages censurées.
Résumer 16 pages en quelques lignes est un pari difficile. Nous
avons essayé de ne pas trahir l’esprit général.
Ainsi, certaines brèves sont plutôt gentilles, tout en
restant drôles :
The Dark Project est le meilleur espoir de
l’année 97. On allume un cierge ?
Ou concernant Trucks :
Le moteur 3D basé sur la technologie
Voxel nous a agréablement surpris. Haute résolution, cela
va de soit, mais surtout 65.000 couleurs qui donnent au jeu une
réelle impression de finesse et de clarté. Il ne s’agit
certes pas du summum du genre, (les montagnes sont quelque peu
rectangulaires et les paysages plutôt désertiques) mais la
réalisation est des plus honorables.
D’autres sont au niveau des actualités de Joystick (la
référence dans
l’irrévérence polie)
à l’image de L’île du Docteur Moreau :
Psygnosis nous promet dans son
communiqué de presse un jeu avec des graphismes
"époustouflants" et un "scénario riche". Pas moins. Dieu
inventa le superlatif, les humains la langue de bois et les
éditeurs le communiqué de presse.
Ou de Star Trek Generations :
Electronic Arts vient de nous
présenter le jeu vidéo lors d’une conférence de
presse. Apparemment inquiète par les réactions des
journalistes présents, l’attachée de presse a
décidé de ne pas distribuer de versions jouables avant la
sortie du jeu... A vous de conclure.
Quelques mots sur Star Command :
Non de Dieu. On ne peut même plus s’absenter
cinq
minutes sans que l’un de ces trucs envahissent notre bureau. Le
« truc » en question, c’est un clone. Un clone de
« Command & Conquer », un clone de Warcraft
2, un clone de... au secours ! (...) Moins les éditeurs
font preuve d’imagination, et plus les pauvres journalistes que nous
sommes devons faire d’efforts pour présenter un
énième clone de manière censée et
originale. Epuisant.
L’art de présenter des chiffres barbants avec
un peu d’humour :
Les revenus de GT Interactive pour le premier
trimestre 97
s’élèvent à 93 millions de dollars, soit une
augmentation de plus de 30% par rapport à la même
période l’année précédente. Ceux qui
doivent bien rigoler, ce sont les milliers de gens qui ont
piraté la version complète de Quake malgré le
petit message les prévenant qu’ils mettaient ainsi en
péril l’industrie du jeu vidéo. Les pirates n’ont
décidément aucune morale...
Mais dans tous les cas, le journaliste a pris son
travail au sérieux et est resté objectif. On peut le
constater ici sur un texte au sujet d’un produit distribué par
Ubi Soft qui le menaçait personnellement d’un
procès :
Avec ce jeu (Warlords 3) sous Windows 95 que nous
avons
reçu en version bêta, une nouvelle étape est
franchie qui devrait permettre à Warlords de rencontrer un plus
large public (...) Les wargammers exigeants suivront avec
intérêt notre test de la version finale.
Bref, les éditeurs apeurés ont surtout agi
sur la base de préjugés... et d’un manque flagrant de
confiance en leurs produits.
A suivre...
Au moment où nous mettons le journal
sous presse, le journaliste transmet le dossier à son avocat
afin d’obtenir réparation. Par soucis d’équité,
nous avons bien sûr joint par téléphone la
rédaction en chef de
PC Jeux pour qu’elle nous donne
sa version des faits. Celle-ci n’a pas daigné répondre
à nos questions, mais nous a proposé un rendez-vous qui
tombait bien après le bouclage du numéro de
Virus
que vous tenez actuellement entre vos mains (contrainte dont nous les
avions informés). Nous espérons vous donner plus
d’informations dans notre prochain numéro. Pour le moment
n’ayant qu’un seul avis, il nous est difficile de trancher. Et de toute
façon, cela n’est pas notre travail. Si une solution amiable
n’est pas trouvée, ce sera celui de la justice.
* Avertissement. Contrairement
à
beaucoup de journalistes de la presse « micro »,
je tiens à préciser que Francis Rozange n’a jamais
participé à la rédaction du Virus.
** Revenons brièvement sur le
statut de pigiste. Un journaliste pigiste ne dépend pas d’un
magazine en particulier. Il peut passer d’une rédaction à
l’autre sans la moindre formalité. S’il est flexible dans la
forme, le statut l’est moins dans le fond : le journaliste
bénéficie des même avantages que les autres
salariés et d’une fiche de paye. Mais, il n’y a en
général aucun contrat écrit. A partir du moment
où les articles livrés ont été ne serait ce
que maquettés, on peut estimer qu’ils satisfont l’employeur.
Alors, même s’ils ne sont pas publiés, il doivent - selon
la législation - être payés.
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